CONSULTATION CITOYENNE PREALABLE A LA MODIFICATION DU PRAS

1. CONTEXTE

Le PRAS est composé de cartes qui localisent les affectations (logement, bureaux, services ,…), ainsi que de prescriptions littérales reprenant ce qui est permis ou pas pour ces différentes affectations. Le PRAS se situe au sommet de la hiérarchie des plans réglementaires régissant le développement territorial : il a force obligatoire tant pour les autorités que les particuliers.

En vigueur depuis 2001, le PRAS actuel n’a fait l’objet que de modifications partielles, dont la tant contestée suppression de l’inscription du parking Droh !me en zone forestière. Il doit aujourd’hui tenir compte et anticiper les évolutions sociales et environnementales en cours et à venir. Il doit aussi intégrer les réformes successives du CoBAT (Code Bruxellois de l’Aménagement du Territoire) et les autres nouvelles réglementations (projet de RRU, plan Good-Move, GIEP, Plan Nature, Ordonnance Nature, Carte du maillage écologique, carte d’évaluation biologique …). Il s’agira aussi de maitriser la possibilité ouverte par les PAD (Plan d’Aménagement directeur) d’autoriser des dérogations au PRAS, sous le couvert d’une vision intégrée des particularités locales des zones couvertes par ces PAD.

Par ailleurs, le PRAS démographique a introduit, en 2013, une notion d’urgence de construction de logement dans quasi toutes les zones pour faire face à un fort accroissement de la population qui s’est avéré non fondé, et n’a pas tenu compte des incidences de cet accroissement pour les autres fonctions qui sont en déficit aujourd’hui.

Le Gouvernement bruxellois a confié à Perspective (avec l’assistance de ERU et BUUR/ SWECO), la mission de modification et a identifié 5 axes à traiter  ;
• Clarifier les équilibres de fonctions dans les zones mixtes ;
• Traduire les objectifs du Plan régional de mobilité (PRM) ;
• Analyser la faisabilité juridique d’insérer des zones à densifier ou à dédensifier ;
• Préserver des sites de haute valeur biologique qui concourent au maillage vert ;
• Offrir un cadre à l’agriculture urbaine.

Le PRAS reste ancré dans le projet de ville porté par le PRDD : le processus de modification « Share The City » aborde toutes les priorités : climat, biodiversité, équilibre sociétal, inclusivité, bon usage du sol… Deux phases préalables sont en cours :
• l’actualisation de la situation existante de fait (recensement des affectations actuelles de l’ensembles des parcelles de la région)
• et le diagnostic ( identification des évolutions que le territoire a connu et leur impact sur l’équilibre entre les fonctions => forces et faiblesses de la situation existante , pour en déduire les grands enjeux et les objectifs auxquels le nouveau PRAS devra répondre

Les étapes à venir (2024 et au cours de la législature suivante) sont  :
• l’identification des grandes intentions et possibilités de modification du PRAS  ;
• les propositions concrètes de modification du PRAS  ;
• le projet de PRAS qui sera soumis au Gouvernement et à enquête publique  ;
• et finalement, le nouveau PRAS.

2. AVIS PREALABLE DE L’ACQU

Avant d’aborder les 5 axes repris ci-dessus par le Gouvernement, il nous semble opportun de prendre un peu de recul et d’identifier les grands enjeux qui doivent transcender ces lignes d’actions, et notamment :

2.1 Densité
Elle doit rester à taille humaine et réfléchie dans des zones de la ville aptes à l’accueillir. Et notamment en référence à la hiérarchie des nœuds/pôles de transport publics identifiés dans le projet de PRDD :
• Nœuds d’accessibilité excellente : croisement IC/IR – RER et Métro (ex. gare centrale)
• Nœuds de très bonne accessibilité : croisement 2 RER ou 2 Métros (ex. Arts-Loi)
• Nœuds de bonne accessibilité : croisement 1 RER ou 1 Métro et Tram (ex.Calevoet)
• Nœuds d’accessibilité moyenne:1 RER ou 1 Metro, ou croisement tram/bus(ex. St Job)
• Nœuds d’accessibilité faible :1tram ou 1bus (beaucoup d’exemples dans la ville)

Plus le nœud est de qualité, plus on peut aménager, à ses abords, des quartiers de ville compacts et denses, car les infrastructures existantes et à venir de transport public y permettent une mobilité durable déconnectée de la voiture ( cfr Paris) , avec une rentabilisation accrue de ces infrastructures publiques. Les nœuds de premier ordre permettent l’intensification des polarités urbaines, en liaison avec les autres pôles urbains et périurbains, pour constituer la ville multipolaire. Ces nœuds devraient être densifiés au moyen de bureaux, logements et équipements de proximité.

A l’inverse, il s’agira de maitriser les densités construites (P/S, E/S) des nouvelles zones urbaines reconverties dans la ville dispersée ( seconde couronne) , ainsi que des opérations de promotions immobilières plus diffuses sur le territoire : la limitation de ces densités au profit de l’augmentation des zones de pleine terres replantées, est favorable non seulement au plan climat et à la lutte contre les ilots de chaleur et les inondations , mais aussi à la mobilité durable en réduisant l’accroissement de la part modale voiture que ces développements induiraient dans des zones d’accessibilité faible en transport public.

2.2 Mixité
Il faut renforcer la mixité fonctionnelle d’un certain nombre de quartiers trop monofonctionnels : tendre vers les villages dans la ville, où les citoyens retrouvent toutes les échoppes et facilités urbaines à portée de distance à pied ou à vélo. Beaucoup de zones résidentielles monofonctionnelles subsistent dans la ville avec nécessité pour leurs habitants de prendre la voiture pour acheter un pain, accéder à un libraire ou poster une lettre. Les anciens commerces de proximité ont disparu par manque de rentabilité suite à la compétition des grandes surfaces. Le plan devrait mettre en évidence les avantages mobilité active de cette amélioration de la mixité, cartographier ces manquements et imaginer des actions incitatives / coercitives (subsides, charges d’urbanisme, préemption ,…)pour combler ces déficits . Certains villages français qui n’ont plus l’attractivité suffisante pour garder leur médecin de campagne ou leur boulanger, mettent en place des incitants (locaux mis gratuitement à disposition) pour attirer de jeunes candidats : pourquoi pas une transposition à Bruxelles ?

2.3 Intermodalité
Les aménagements autour des nœuds de transport publics doivent donner une place de choix aux modes actifs, et garantir la convivialité et la sécurité aux abords. Le rayon d’attraction à pied autour d’un nœud est de 300 à 1000 m en fonction de la hiérarchie du nœud. Mais à vélo, ou e-vélo, il est facilement multiplié par 4. En se référant à la carte ci-dessus, on s’aperçoit qu’avec des cercles de rayons multipliés par 4, l’ensemble de la région est couvert par le rayon d’attraction autour des gares, stations et arrêts principaux de trams et bus. Le couple vélo+ transport public permet de se passer de la voiture pour la plupart des trajets domicile -travail, domicile- école et autres motifs.
Reste à sécuriser et à rendre plus confortables ces interfaces, pour vaincre la peur d’y abandonner son vélo. Et en prime de prévoir des services de proximité dans ces nœuds.

2.4 Protection des fonctions faibles
Ce sont principalement les industries urbaines, le logement social, les espaces verts et certains équipements, qui sont menacés par les autres affectations plus rentables. Le plan doit sécuriser leur localisation de manière effective, dans toutes les zones du territoire où elles sont peu représentées et où elles ont intérêt à se trouver (par ex. abords du canal, des gares de marchandise et des autoroutes, pour l’industrie urbaine). Il faudra effectivement remettre sur le métier les caractéristiques et les seuils des zones mixtes, pour contrecarrer les grignotages de la part laissée aux fonctions faibles par les fonctions fortes qui disposent de plus de moyens financiers. C’est aussi le cas sur des axes comme la chaussée de Waterloo, dont les flancs sont situés en zones d’habitation à prédominance résidentielle, mais qui comportent un point de mixité ouvrant vers les caractéristiques de la zone mixte. Le PRAS actuel a prévu cela pour encourager l’implantation de commerces. Mais cette possibilité d’affectation commerciale engendre de la spéculation immobilière tendant à limiter drastiquement la fonction logement et le caractère vert d’intérieur d’ilot ; qui sont pourtant essentiels dans des zones qualifiées « d’habitation ». Il s’agira d’affiner et durcir les balises garantissant un bon équilibre.

2.5 Sacralisation des espaces verts, parcs et intérieur d’ilot
Il faut défendre tous les arbres existants dans les quartiers où ils encore présents et en replanter de nouveaux dans les quartiers en déficit de pleines terres arborées. Il faut aussi maintenir partout où elles existent, les zones de terres encore vivantes, les espaces verts de fait, les friches, jardins et intérieurs d’ilot où se réfugie la biodiversité et qui sont indispensables à son maintien. Cette position est dictée par l’urgence climatique, la lutte contre les îlots de chaleur, la lutte contre les inondations et la gestion intégrée des eaux de pluie. Il faudrait un moratoire sur toutes les zones actuellement couvertes de végétation, afin d’envisager lesquelles seront protégées par des affectations plus protectrices (parcs et zones vertes) et lesquelles pourront être loties de manière encadrée. Deux exemples ucclois récents nous poussent à rester vigilants, parce que les pouvoirs publics, qui devraient être les gardiens de la foi, prennent des libertés avec les règles qu’ils ont mises sur pied :

• Le Projet de modification partielle du PRAS visant à étendre et aménager le parking existant, en tant qu’équipement d’une « porte d’accès » à la forêt de Soignes ( projet Droh !me) , alors que ce site est repris au PRAS en tant que zone forestière , et est inclus dans le périmètre de classement de la forêt de Soignes .Nous ne comprenons pas les incohérences du Gouvernement qui d’un côté prône la ville 30, transforme des bandes voitures en pistes cyclables, souhaite introduire la tarification routière pour encourager le report modal, et qui dans le même temps a l’intention de supprimer un morceau de forêt pour agrandir un parking.

• Au Keyenbempt, la ministre du logement poursuit le projet de construction de bâtiments neufs de logements sociaux sur des terrains administrativement à bâtir mais à caractère vert marqué. Or ce quartier est déjà bien pourvu en logements sociaux, et il convient de garder des espaces récréatifs aux abords (Keyenbempt) et il faut sauvegarder la mixité sociale en évitant les ghettos. En outre cette zone est fréquemment soumise à inondation, et ces terrains verts et marécageux remplissent la fonction de bassin d’orage. Pourquoi ne pas sauvegarder ce morceau de nature et construire du logement social intégré dans les autres projets de logements ucclois via le mécanisme des charges d’urbanisme ?

Et au-delà de la redéfinition de ces règles du PRAS, il faut recadrer / contrecarrer le véritable sport national auquel se livrent les promoteurs, qui est de multiplier le nombre de dérogations au PRAS et au RRU pour maximiser le potentiel de leurs projets. Les règles de droit (PRAS, RRU, PPAS, permis de lotir,…) doivent être respectées à la lettre et dans leur esprit, les dérogations demeurant l’exception. Ces dérogations demandées et acceptées doivent toujours demeurer accessoires et ne pas être contraires aux éléments essentiels de la réglementation

Jean-Paul Wouters avec la participation de Martine De Becker, administrateurs de l’ACQU