LA COMMUNAUTÉ DE SAINT-JOB, UN PROJET SOCIAL D’INTÉGRATION D’HANDICAPÉS MENTAUX LÉGERS QUI TIENT DEPUIS PRÈS DE 40 ANS

Article paru dans la Lettre aux Habitants n°73, septembre 2012.

Trente-huit ans, une durée qui fait passer l’homme
de jeune adulte à jeune pensionné, l’âge de passer le
flambeau à des jeunes que la démarche sociale a séduits.
En 1974, trois jeunes adultes imprégnés des idées de
mai 68, gagnés par l’anticonformisme et par le mode
de vie communautaire qui a marqué le début des années
septante ont eu envie de monter un projet original,
de se lancer dans une démarche quotidienne
en phase avec leurs convictions : l’accueil d’autrui.

A ce moment-là, la Montagne de Saint-Job était un
quartier encore largement habité par d’anciens marolliens
dont les parents avaient dû quitter leur quartier
d’origine lors de la construction du palais de
justice par un skieven architekt, un certain Poelaert.
Faut-il y voir un rapport avec le fait que l’un des trois
était un jeune architecte issu d’une famille socialement
engagée ?

On était bien loin d’un quartier que d’aucuns qualifient
aujourd’hui de « bobo » et la Montagne avait
triste mine avec des petites maisons ouvrières plus ou
moins en ruine ou à l’abandon.
Quel endroit idéal pour construire un projet à partir
de (presque) rien ? Surtout que la Commune d’Uccle
y possède quelques maisons trop délabrées pour les
louer, juste bonnes à raser… et que nos trois compères
proposent de rénover en échange d’une location
à petit prix.

Nos trois jeunes possédaient une certaine expérience
de la rénovation, ayant participé depuis quelques années
aux chantiers de l’association Gratte qui rénovait
le hameau du même nom en Ardèche en
associant un tiers de personnes handicapées mentales
aux rénovateurs.

De là l’idée de monter un projet intégrant dans le
quartier des handicapés avec quelques personnes
sensibilisées, le pas fut vite franchi, et c’est ainsi que
naquit le projet de la Communauté de Saint-Job (de
la Montagne de …), projet soutenu dès l’origine par
l’ensemble des habitants du quartier prodiguant leur
bienveillance et leur soutien et par les comités de
quartier.

La communauté est partie d’un ensemble d’immeubles
abandonnés et s’est élargie au fur et à mesure
des rénovations entreprises par les membres,
avec l’aide de bénévoles extérieurs. De 2 personnes
non handicapées encadrant 2 personnes handicapées
à ses tout débuts, la Communauté s’est étoffée, des
couples se sont constitués, et a compté jusque
25 membres avec les enfants. Aujourd’hui, fin août
2012, 7 personnes encadrent autant d’handicapés ;
avec encore 2 enfants, la Communauté compte
16 membres.

L’originalité de la Communauté de Saint-job est son
engagement dans un accompagnement social de la
personne handicapée en dehors des circuits traditionnels
et des piliers politico-syndico-mutuelloidéologiques
qui caractérisaient les années septante
et quatre-vingt.

Le fonctionnement de la Communauté de Saint-Job
est basé sur l’intégration des personnes handicapées
dans la vie sociale, guidées par un accompagnement
non intrusif. Chacun dispose de son autonomie et
d’un espace de vie privé, mais la mitoyenneté des logements
fait en sorte qu’une aide est toujours à portée
de main ; chaque personne handicapée est ainsi
encadrée par son voisin lorsqu’un besoin particulier
se manifeste.

Ce fonctionnement implique l’autonomie
de chacun et il n’est pas question d’assistance
mais d’entraide, de soutien. Ainsi chaque membre
mène sa vie propre, travaille, l’une en atelier protégé,
l’autre aux Jeunes Jardiniers, d’autres ont un
boulot traditionnel et disposent d’un revenu personnel.
Il n’est pas question d’assistanat.

Comme le terme l’indique, une communauté implique
une mise en commun, la participation de tous
à une vie commune. Partages et échanges se font
dans l’action et la convivialité, le vivre ensemble.

Deux points forts étayent cet aspect.

Le premier est les repas du soir préparés à tour de
rôle par une équipe de 2 personnes valides et de
2 handicapées, ce qui assure 4 repas communautaires
par semaine, le mercredi étant jour de congé afin de
créer une certaine autonomie et débrouillardise. Une
grande table accueille tout le monde au sein de la
maison communautaire au coin du chemin Avijl.

L’autre point fort est la journée « chantier ». Ces journées
ont lieu un samedi sur trois en hiver et un sur
deux dès que le travail au jardin en décide. Durant cette journée, une équipe fait les courses pour tout le
monde et pour 2 ou 3 semaines, une équipe nettoie
les lieux communs (qui se trouvent dans la maison du
91/93) et prépare le repas du jour pour tous les participants,
d’autres font les travaux d’entretien des logements,
gèrent le potager, ratissent les cours ou
coupent le bois…

Par rapport à de nombreux projets d’intégration des
personnes handicapées par des associations clairement
affiliées à l’un des piliers de la société belge, la
Communauté a fait son chemin en dehors de toute
forme d’obédience et d’inféodation, ce qui est un aspect
pour le moins inhabituel et original. Aussi ne
faut-il pas voir de paradoxe si les jeunes couples
ayant pris le relais des fondateurs sont issus de mouvances
liées à la libre pensée, au jour où la polarisation
quitte le paysage politique, avec le même
engagement que ceux qui, au départ, s’étaient appuyés
sur leurs convictions.

L’accueil d’autrui et la vie
avec ceux qui sont différents se passent de frontière
idéologique, mais pas humaine. Car c’est la profonde
humanité des membres de la communauté qu’il faut
mettre en exergue à une époque du repli sur soi. La
poursuite du projet d’accueil et de vie en commun
dans le respect des différences est d’autant plus remarquable
et mérite l’encouragement et le soutien
de tout un quartier.

Depuis les premiers marolliens, la
Montagne est devenue un quartier recherché, prisé
par une nouvelle génération, qui connaît souvent
mal ce qui se passe au coin du chemin Avijl, dans
cette maison communautaire ou cohabitent des gens
qui semblent tellement différents …

Aujourd’hui après presque 40 ans de présence dans le
quartier, la communauté comprend un peu moins de
vingt personnes ; elle est disséminée à différentes
adresses de la Montagne de St Job, du 71 au 73, au
64, du 85 au 93 et aux 121 &123, la plupart des maisons
appartiennent à la Commune d’Uccle qui, en
soutenant, concourt indirectement à l’objet social de
la Communauté, qui pour sa part gère et entretient
ce patrimoine.

MDB, d’après les informations de Charlotte de
Brier et de Florine De Brouwer

8 novembre 2012