Article paru dans La Lettre aux Habitants n°89, septembre 2016
LE MÉTRO NORD, UNE NOUVELLE
CHANCE POUR UCCLE
Jacques Ponjée,
Président du GUTIB
(Groupement des Usagers des Transports Publics à Bruxelles)
Le projet de métro Nord, décidé par le précédent
gouvernement bruxellois (PS-Ecolo-cdH-VLDCD&
V-Groen), et mis en oeuvre par le gouvernement
actuel (PS-DéFI-cdH-VLD-SPA-CD&V),
consiste à convertir l’actuelle ligne de prémétro
entre Albert et la Gare du Nord en métro dit
« lourd », et à prolonger cette ligne de 7 stations
(Liedts, Colignon, Verboekhoven, Riga, Tilleul,
Paix, Bordet) jusqu’à Evere, où un transfert modal
de la voiture vers les transports en commun serait
organisé. En effet, à cet endroit situé entre l’OTAN
et le nouveau Décathlon, un parking de dissuasion
pourrait être aménagé. La ligne de métro (n° 3)
serait alimentée par un dépôt à construire sur le
site actuel de la STIB à Haren. Enfin, cerise sur
le gâteau, il est prévu que cette ligne soit entièrement
automatisée, offrant des fréquences très
confortables (un métro toutes les 2 à 3 minutes),
avec des stations munies de portes palières (ce
qui permet d’éviter les accidents « de personnes »
sur les voies.
Ce projet serait élaboré en deux phases :
d’abord la conversion du prémétro en métro,
prévue pour 2021, et nécessitant d’une part la
construction d’une nouvelle station d’échange
« Constitution » en lieu et place de la très vétuste
station Lemonnier, d’autre part l’adaptation de la
signalisation de toutes les stations intermédiaires,
déjà prévues depuis longtemps pour le métro.
Exactement comme l’on a converti les lignes 1 et
2 de prémétro, respectivement en 1976 et en 1988.
Dans une deuxième phase, prévue pour 2024, le
prolongement de cette ligne de métro depuis la
gare du Nord jusqu’à Bordet. Ce prolongement,
contrairement à tous les autres chantiers de métro
que la ville a connus, se fera par le creusement
d’un long tunnel souterrain, profond de 30 mètres,
au moyen d’un appareil appelé « tunnelier », creusant
lui-même son tube depuis le lieu où il sera
enfoui (sur le terrain de la STIB à Haren) jusqu’à la
gare du Nord où il sera démonté, et cela sans déranger
personne, sans ouvrir les voiries pendant
des années, comme ce fut le cas dans les années
60 à 80. Seules les sept stations seront construites
à l’air libre afin de rejoindre le tube percé en profondeur.
En effet, les stations schaerbeekoises et
éveroises seront profondes (quatre niveaux), mais
des ascenseurs et escalators seront prévus dès
la conception des stations, ce qui n’est pas le cas
des stations actuelles, où il a fallu construire de
nouveaux ascenseurs.
Comme le relèvent les opposants au projet, les
travaux seront importants et coûteux. Le gouvernement
bruxellois a d’ores et déjà dégagé un budget
d’investissement de 5,2 milliards d’euros pour
les dix prochaines années, ce qui est du jamais
vu pour un budget régional. Cette somme proviendra
d’une part du budget fédéral (via l’accord
de coopération « Beliris » qui finance les travaux
d’investissement à Bruxelles en vertu de son rôle
de capitale nationale), et d’autre part du budget
régional, qui consacre chaque année un quart de
son budget total à la mobilité (STIB, voirie, etc.)
Une piste de financement européen est également
suivie par l’actuel ministre de la Mobilité, Pascal
Smet. Les 5,2 milliards seront consacrés en
grande partie au métro, certes, mais une part non
négligeable est également consacrée à de nouvelles
lignes de tram en site propre, et à l’achat de
nouveaux véhicules, dont une toute nouvelle flotte
de bus hybrides et électriques, qui représentent
l’avenir.
Construire un métro, c’est opter pour un investissement
important, mais solide, et qui surtout
permettra de déplacer des masses de personnes
à faible coût pendant longtemps. Faible coût d’exploitation
car une rame de métro transporte mille
personnes pour le salaire d’un seul conducteur
(voire même d’aucun conducteur en cas d’automatisation),
tandis qu’un bus ne transporte que
60 personnes pour le même prix. Aussi, la durée
de vie d’une rame de métro est de quarante ans,
tandis que la durée de vie d’un bus est de moins
de dix ans.
Quelles implications aura ce projet
sur les habitants d’Uccle ?
Un prolongement progressif de cette ligne est
prévu vers le sud, depuis la station Albert vers le
centre d’Uccle au minimum (sur trois ou quatre
stations : Altitude 100 ? Coghen ? Roosendael ?
Globe ou Héros ?), à la fin des années 2020. Il est
trop tôt aujourd’hui pour prédire ce que deviendra
le métro Sud à l’horizon 2040 ! Cela dépendra en
grande partie du développement urbanistique de
la commune d’Uccle. Ce métro ira-t-il plutôt vers
Calevoet ? Vers le Homborch ? Vers le Fort Jaco ?
Certains imaginent un débranchement de la ligne
à hauteur de l’Altitude 100 pour rejoindre le quartier
Vanderkindere, la Bascule, et à partir de là,
l’ULB et le nouveau quartier Delta.
Ce qui est certain, c’est qu’à partir de 2018, des
travaux importants seront entrepris du côté de
la station Albert, qui deviendra le terminus (provisoire)
de cette ligne de métro, en correspondance
avec les lignes de trams et de bus qu’empruntent
fréquemment les Ucclois : les lignes de tram 3, 4,
7 et 51 et les lignes de bus 48 et 54, sans oublier
les nouvelles lignes de bus qui sortiront du « plan
bus » concocté par la STIB ! Mais cela, c’est un
autre sujet ! Avant de passer en revue les lignes de
tram qui seront impactées par ce projet de métro,
intéressons-nous aux travaux de la station Albert.
Celle-ci était prévue dès l’origine pour accueillir
le métro : il s’agit, au niveau -2, de l’actuel quai
du tram 51 vers Van Haelen, et de l’ébauche de
quai, situé juste en face. C’est donc à cet endroit
que circulera le métro, avec une voie de rebroussement
située en arrière-station, du côté de l’actuelle
trémie Jupiter. Il était également prévu de
vastes espaces, actuellement inutilisés au niveau
– 1 (de part et d’autre de l’immense couloir), pour
y aménager une station de trams pour les lignes
venant de l’avenue Albert. Quand on prend le tram
3 ou 4 direction Vanderkindere, on peut d’ailleurs
apercevoir les emplacements prévus pour rehausser
la trémie Albert d’un étage, afin de donner
accès à cette station (que l’on aperçoit également).
Le grand couloir du niveau -1 fera dès lors place
à une station pour trams (les lignes 4 et 7), qui
donnera correspondance, via des escalators et
des ascenseurs, aux quais du métro. L’immense
mezzanine du -1 deviendra dès lors deux plus
petites mezzanines, l’une du côté nord, l’autre du
côté sud.
La station de tram, située dans l’axe de l’avenue
Albert, sera prolongée par un tunnel situé sous
le parc de Forest, lequel comprendra une partie
en pente et une partie plate, dans laquelle sera
aménagée une 3ème voie de rebroussement pour
une des deux lignes de tram (4 ou 7), et débouchera
par une trémie située dans l’axe de l’avenue
Wielemans Ceuppens (où roule déjà aujourd’hui
le tram 97), où sera aménagé un nouvel arrêt
« Rochefort », en remplacement des deux arrêts
actuels Rochefort et Berthelot. L’existence de ce
tunnel de prolongement et de son débouché est
capitale pour bien comprendre le futur réseau
de surface suite à la conversion du prémétro en métro.
Voici à quoi pourrait ressembler l’éventuelle future station Albert (source Arcadis)
Passons maintenant en
revue les différentes lignes
impactées par ce projet
L’actuelle ligne de tram 3 (Esplanade – Churchill)
deviendra la ligne 3 de métro.
La ligne de tram 4 (Stalle – Gare du Nord) continuera
à exister sur Uccle, entre Stalle et Albert, puis
sera vraisemblablement prolongée, via le tunnel
tram prévu sous le parc de Forest, par l’avenue
Wielemans Ceuppens, puis, très probablement,
par l’avenue Van Volxem vers la Gare du Midi, où
elle pourra se connecter sur les nouvelles stations
de tram « Gare du Midi » et « Constitution » avant
de reprendre, par exemple, le tronçon nord de
l’actuelle ligne 51, entre la gare du Midi et Stade.
Ainsi, les Ucclois clients de l’actuelle ligne 4 garderont
une liaison directe (sans correspondance)
vers la gare du Midi, puis vers Molenbeek, Jette et
Laeken.
Pour la ligne de tram 7, venant du Heysel par la
moyenne ceinture et la Bascule, fini le terminus
idiot et pénalisant à Churchill : le tram sera prolongé
(en remplacement de l’actuel tram 3) jusqu’à
la station Albert (tram), où les passagers pourront
débarquer au sec et se rendre à l’aide d’escalators
ou d’un ascenseur sur le quai du métro. Le tram
7 aura son terminus vraisemblablement dans le
complexe du tunnel situé sous le parc de Forest.
La ligne de tram 51 venant de Van Haelen aboutira,
quant à elle, à Albert, où un terminus (définitif
cette fois) sera aménagé : le tram empruntera
toujours la trémie Jupiter, mais rehaussée d’un
niveau, pour aboutir à des voies en tiroir situées
dans la mezzanine nord de la station, donnant
ainsi correspondance, de quai à quai, aux trams 4
et 7 vers Vanderkindere, et via des escalators et un
ascenseur, au quai du métro. Une correspondance
« confortable » pour la clientèle de la désormais
petite ligne 51, qui donnera également correspondance
au tram 4 vers Wielemans Ceuppens,
moyennant le passage par deux escalators (un
pour descendre au niveau -2, l’autre pour remonter
dans la mezzanine-sud du niveau -1 où se
situera le quai du tram vers Forest.
Pour les passagers transitant vers le métro à
Albert, rappelons que des fréquences très confortables,
de l’ordre de 2 à 3 minutes maximum,
rendront le temps de correspondance au strict
minimum.
Que pense le GUTIB de ce projet ?
Le métro Nord était dans les projets de la STIB
depuis de très nombreuses années, mais les
gouvernements successifs n’ont jamais voulu le
mettre en oeuvre, faute de moyens, faute de volonté
politique... Depuis quarante ans, personne
n’a voulu lui donner une priorité. Aujourd’hui, on
se rend compte que la ville est complètement
embouteillée, que le tout-à-la-voiture n’est plus
l’avenir. Néanmoins, l’automobile restera toujours
une nécessité pour de nombreux Bruxellois.
Imaginer que tout le monde prendra le tram ou le
vélo pour ses déplacements est un fantasme de
doux rêveurs.
Les voiries actuelles, certes, doivent être repartagées
entre l’automobile et l’usager faible (piétons,
cyclistes), mais les transports en commun doivent
aussi pouvoir circuler, et quoiqu’en disent les esprits
chagrins, c’est en souterrain que les lignes
de transports en commun sont les plus efficaces,
car elles ne subissent jamais les aléas de la circulation.
Bien sûr, les lignes de surface doivent être
soignées.
Comme le montrent les nombreuses expériences
en France, le tramway rapide, en site propre,
a encore de l’avenir devant lui, car il permet la
rénovation profonde de l’espace public, comme
on l’a vu boulevard du Souverain ou boulevard
de la Woluwe, par exemple. Mais dans les rues
étriquées de Bruxelles, comme les chaussées
d’Alsemberg, d’Ixelles ou d’Helmet, il est illusoire
de croire encore en l’avenir du tramway.
Il est grand temps de doter Bruxelles d’un métro
digne d’une capitale européenne, un métro qui
puisse assurer la circulation d’un grand nombre
de personnes, et qui permette le report modal
d’un grand nombre d’automobilistes aux portes
de la ville.
Pour toutes ces raisons, le GUTIB reste persuadé
que le métro reste une solution d’avenir, et que
les Ucclois ont tout à gagner de ce projet, car,
même s’il n’y aura, à court terme, aucune station
de métro sur le territoire d’Uccle, la station
Albert deviendra une plaque tournante reliant
le métro (à haute fréquence) à toutes les lignes
circulant à Uccle. Le métro a changé la vie de
bien des gens (qu’ils soient ou non usagers des
transports en commun) dans les communes de
l’est de Bruxelles ; prenons le pari qu’il changera
également la vie de bien des Ucclois.
Jacques Ponjée