LE « PRÉMÉTRO + » ALBERT-MIDI-NORD

La proposition « Prémétro + » [1], cosignée par différentes associations dont l’ACQU, veut offrir sans délai des lignes de trams efficaces et per- formantes pour un faible coût d’investissement par une utilisation optimale des infrastructures existantes. Son objectif est de valoriser le tunnel Albert-Midi-Nord promis à une « métroïsation » [2], dont le délai de réalisation est incertain et qui impliquera des désagréments de mobilité, en particulier pour les Ucclois.

Pourquoi transformer l’actuel prémétro en métro ?

Avec le métro 3, la Région Bruxelloise a décidé de prolonger le tunnel du prémétro (Albert-Midi-Nord) jusqu’à Evere. Ceci implique le creusement d’un nouveau tunnel Nord-Bordet, et la conversion du tunnel de prémétro Albert-Nord en métro lourd. Les travaux sur cette dernière section, qui concerne particulièrement les habitants d’Uccle, sont déjà en cours, en particulier avenue de Jupiter, boulevard de Stalingrad, à la gare du Nord. La conversion de ce tronçon en métro aurait dû être concrétisée en 2025.
Mais d’importants déboires de chantier, liés à la composition marécageuse du sous-sol du Palais du Midi, boulevard de Stalingrad, viennent perturber ce scénario. Le chantier y est à l’arrêt depuis plusieurs mois suite à un contentieux entre la STIB et les entrepreneurs. Plus personne n’ose prévoir une échéance de reprise du chantier, ni du nombre d’années supplémentaires pour l’exécution des travaux et de son coût.

Avantages de la conversion de l’axe Albert-Midi-Nord en métro

L’exploitation de l’axe Albert-Midi-Nord par un métro permettrait une offre plus régulière. Etanttotalement séparée des aléas de la circulation en surface ; la capacité serait plus élevée : 14.000 places par heure et par sens à l’heure de pointe. Le métro offre une vitesse plus élevée, un gain estimé à 5 minutes entre Albert et Nord ; encore que ce gain de temps sera contrebalancé par les temps de correspondances devenues nécessaires.

Et inconvénients

Plus de correspondances
Les usagers ucclois qui actuellement prennent le 3, le 4 (et jusqu’il y a peu le 51) pour rejoindre directement le centre-ville seraient alors contraints à une correspondance avec le métro à la station Albert, où les trams 4, 51 (et peut être 7) auraient leur terminus. Présentées comme anecdotiques, les correspondances restent pourtant pénalisantes pour les usagers, ainsi qu’en témoignent plusieurs études scientifiques : c’est un allongement de leur temps de trajet, un inconfort, une incertitude sur le temps réel de leur déplacement ; des difficultés supplémentaires pour les personnes âgées ou porteuses d’un handicap.

Un coût excessif et incontrôlable.
Les toutes dernières estimations [3] citent un coût total de 4,4 milliards d’euros pour le métro 3. Le surcoût du tronçon Sud Albert-Nord provoqué par les problèmes techniques de composition du sous- sol du Palais du Midi s’élèverait à 400 millions en plus du coût initial, déjà partiellement engagé, de 730 millions ; soit un total estimé à 1,13 milliard. Le coût de la seconde partie du métro 3, le tronçon Nord-Bordet (Evere), initialement estimé à 1,5 milliard l’est maintenant à 3,1 milliards. Cette estimation est purement indicative, étant donné le flou qui entoure sa réalisation.

Pour mémoire, le projet du métro 3 a été approuvé par le gouvernement régional bruxellois en 2009 pour un montant de 900 millions.

Un montant considérable, condamné à encore augmenter, et qui hypothèquerait fortement le financement d’autres projets urbains bien plus indispensables à la Région Bruxelloise, tels que la construction de logements sociaux, la rénovation et l’isolation du bâti existant, (les 2/3 du bâti bruxellois doivent bénéficier d’une isolation sérieuse), ou d’autres projets de mobilité. Alors qu’on sait que le déficit est déjà devenu intenable, il serait encore aggravé par la charge de la construction du métro.

Une moindre fréquence : la fréquence de passage annoncée pour le métro 3 sur l’axe Albert-Nord serait inférieure à celle prévue par le Prémétro +.

Alternative à la voiture : Une étude réalisée par le bureau BMN [4] prévoit que le métro 3 n’entrainera qu’un report de 0,61% du trafic routier vers l’usage du métro. C’est insignifiant et ne justifie pas le métro 3.

Un délai de mise en service non maitrisable ; en particulier en raison des problèmes de chantier déjà évoqués.

Le Prémétro+ : faire rapidement plus et mieux, pour moins cher.

La « métroïsation » est continuellement présentée comme l’unique solution possible pour améliorer la desserte de l’axe Albert-Midi-Nord.
Le Prémétro + propose au contraire un scénario alternatif d’exploitation. Il consiste à utiliser les infrastructures existantes et les travaux déjà réalisés pour le métro 3 sans y ajouter d’ouvrages supplémentaires, et pour un investissement réduit.

1. Le projet consiste à revaloriser l’axe Albert- Midi-Nord avec 3 lignes offrant plus de liaisons vers le centre-ville. La prolongation du tram 55 qui aura son terminus prolongé depuis Nord à Albert. L’ajout d’une ligne sur cet axe permettra une augmentation de capacité de 36% (aux heures de pointe).

Le tram 3 (Churchill-Esplanade) sera fusionné avec le tram 7 (Vanderkindere-Heysel) qui permettra ainsi une liaison directe entre la gare du Midi, Uccle, Ixelles, la moyenne ceinture et mettra ainsi fin à la situation déplorable pour les usagers de l’actuel terminus du 7 à Churchill.

Quant au tram 4, (Stalle-Nord), il sera prolongé par le tronçon nord du tram 3, comme cela a existé il y a quelques années.

2. Le maintien et le développement du prémétro sur cet axe implique d’optimiser la régularité de la ligne.
Bien entendu, la régularité du passage ne sera pas toujours optimale étant donné l’arrivée dans le tunnel de prémétro de trams ayant un long parcours en surface, avec les aléas inhérents de circulation en surface. Ces irrégularités pourront être compensées par l’injection de trams vides placés en attente aux 2 extrémités du tunnel de prémétro. La STIB avait précédemment déjà utilisé cette technique.

3. Le réseau Prémétro + permet d’intégrer les diverses tendances qui traversent l’évolution de la demande de mobilité à Bruxelles et de ne passer au métro que le jour où cela sera réellement justifié.

D’une part, la fréquentation des transports en commun devrait encore augmenter en raison de la diminution de l’utilisation de la voiture, suite aux politiques incitatives menées en ce sens (Good Move, plans de mobilité communaux.).
D’autre part, l’évolution démographique de Bruxelles, argument utilisé pour justifier le « métro 3 » connait un tassement, voire une stagnation de son accroissement [5].

Les mobilités « post covid » et le développement du télétravail ont modifié les habitudes de déplacement, en particulier aux heures de pointe. On relève ainsi que la fréquentation des gares bruxelloises a diminué tandis qu’elle a augmenté en dehors de ces heures, ce qui entraine pour les transports en commun bruxellois une meilleure répartition des usagers sur la journée.


En conclusion
Compte-tenu de ces nombreuses incertitudes et des déboires du chantier, de plusieurs reports de mise en service, des nombreux accroissements des coûts, des multiples inconvénients de la métroïsation de l’axe Albert-Nord, la proposition Prémétro + co-signée par l’ACQU et de nombreuses associations, permet de mettre rapidement en œuvre un service amélioré qui utilise l’ensemble des infrastructures existantes, offre plus de liaisons sans correspondances, et ce pour un investissement minimum.

Avec le Prémétro +, les Ucclois bénéficient d’un accès sans correspondance vers le centre-ville avec les trams 3 et 4. Il est compatible avec l’utilisation de la station Lemonnier, et ultérieurement avec la station Toots Thielemans.

A plus long terme, le « Prémétro + » pourrait être éventuellement converti en métro pour proposer plus de capacité de déplacement. Mais une telle modification devra être réévaluée en fonction d’une analyse de la politique de mobilité globale au sein de la Région Bruxelloise et d’une étude sérieuse réalisée par un organisme indépendant.

Elle implique nécessairement de sursoir à l’aménagement du terminus du tram 4 et 7 à la station Albert, qui aurait pour résultat inéluctable de rendre le métro irréversible et d’obliger les usagers à des correspondances supplémentaires.


François Glorie
28 avril 2024