La mobilité : un véritable enjeu humain et de civilisation

Éditorial de la Lettre aux habitants n° 68 / avril - mai - juin 2011

Les habitants de la région bruxelloise et d’Uccle en particulier sont très inquiets de l’envahissement du tissu urbain par un nombre croissant de véhicules motorisés. Tous les quartiers -résidentiels ou non - sont confrontés à des encombrements incessants avec les nuisances associées, à des conflits permanents avec les transports en commun, à une agressivité de plus en plus inquiétante, et à l’entrave à la circulation des piétons et des cyclistes. Cela empoisonne véritablement la vie des habitants.
Nombreux sont les articles de
presse qui témoignent des problèmes
de dégradation de la qualité
de l’air (on parle aujourd’hui
de 1.100 décès prématurés
annuels à Bruxelles). Et que dire
des nuisances sonores, des gaz à
effets de serre, de la dégradation
(devenue une conséquence inévitable)
de la vie sociale ? Il ne faut
pas être un expert pour décrire
ces réalités que la plupart d’entre
nous vivent quotidiennement.
Nous pouvons parler d’un
incroyable gâchis pour de multiples
raisons. Les décideurs
répartis dans de nombreuses entités
spatiales hiérarchisées n’osent
pas affronter d’une manière
cohérente les réalités vécues et
dès lors prendre les décisions qui
s’imposent surtout quand on sait
que les véhicules de transport
(voitures et camions) sont à
Bruxelles responsables de 70 %
des émissions de particules fines
et dangereuses pour la santé. Et
la situation n’est pas près de
s’améliorer quand on sait que le
nombre de km parcourus par les
voitures ne cesse d’augmenter et
que la population bruxelloise ne
cesse de croître.
Quel gâchis géopolitique ! Et
c’est vrai tant au niveau des 19
communes bruxelloises qu’à celui
des quelque 50 communes qui
constituent la région toute
entière puisque toute la région
est économiquement et socialement
liée.
Notre système politique semble
devenu incapable de négocier les
mesures indispensables qui s’imposent
pour servir les intérêts des
citoyens de la Région de
Bruxelles-Capitale et de sa couronne
périphérique. Cela fait des
décades qu’on en appelle à des
mesures globales et efficaces en
matière de transports en commun
afin de coordonner les
moyens de la STIB, de De Lijn, du
TEC et de la SNCB. L’échec d’un
volontarisme politique et d’une
politique d’investissements à la
hauteur des défis géographiques
conduit à l’anarchie. De nombreux
navetteurs continuent à
privilégier la voiture au détriment
du tissu urbain bruxellois.
Nous nous interrogeons sur l’avenir
d’une telle société et de son
enjeu civilisationnel si on ne parvient
pas à prendre en compte
l’intérêt général des habitants.
Nous nous souvenons des journées
consacrées aux États-Généraux de Bruxelles organisés
avec la participation d’IEB et du
BRAL. Tous les participants, y
compris les nombreux néerlandophones
présents, partageaient les
mêmes analyses et réprobations.
Rejeter la balle aux problèmes
communautaires est inacceptable
car les 19 communes bruxelloises
accumulent un nombre important
de faiblesses tant dans la
promotion des transports en
commun que dans les mesures à
prendre pour limiter les effets
négatifs de la circulation automobile.
Notre commune d’Uccle en
particulier n’a aucune leçon à
donner tant ses incohérences
sont multiples, notamment celle
de vouloir à tout prix concilier la
fluidité du trafic automobile avec
celle des transports en commun.
Nous avons acquis la conviction
que sur le territoire de Bruxelles-
Capitale, qui ne fait que 161 km2,
nos décideurs n’osent pas promouvoir
une politique globale de
transports en commun efficace.
Faire circuler un tram à Bruxelles,
à travers 5 ou 6 communes,
relève d’un défi titanesque. Il
apparaît dès lors plus facile de
programmer des lignes de métro
souterraines plutôt que de privilégier
les transports en surface !
La voiture a corrompu l’esprit de
nos politiques et de nombre de
nos concitoyens. Pour s’en
convaincre, il suffit de lire les
commentaires consacrés aux véhicules
de prestige, aux marques
renommées et aux grosses cylindrées
 : l’orgueil, l’incivisme et le
mépris d’autrui font bon
ménage. On nous rétorque que
l’avenir est la voiture électrique.
Non ! Parce que trop de voitures,
même électriques n’amélioreront
pas nos relations humaines et la
vie sociale ! Nous devons impérativement
promouvoir un authentique
changement d’habitudes,
c’est-à-dire promouvoir une politique
de changements de comportements.
Réapprendre à vivre,
à marcher, à circuler à vélo est
devenu une nécessité prioritaire,
facteur de réhabilitation du
genre humain.
L’ACQU, et la Lettre n°68 en
témoigne, privilégie les réflexions
sur la mobilité. Ce numéro est
consacré une analyse de certains
défis ucclois en matière de transports
par trams. Nous ne prétendons
aucunement détenir la vérité : la complexité des problèmes
de mobilité est telle que
personne ne peut prétendre
connaître la solution idéale.
Notre contribution citoyenne est
modeste : faire réfléchir les
citoyens et les politiques sur des
projets de solutions et en DISCUTER.
Tel est notre objectif serein et
démocratique, tant il y va de l’intérêt
général de la population et
de son avenir.
L’avenir de la planète et dès lors
de l’humanité exige des visions à
long terme et des débats sérieux
et fréquents pour enfin engendrer
une dynamique démocratique
digne de ce nom.

Le C.A. de l’A.C.Q.U.

P.S. : Au moment où nous rédigeons
cet éditorial, nous prenons
connaissance de la demande de
permis d’urbanisme déposée par
BRUXELLES MOBILITÉ pour l’aménagement
de la chaussée de
Waterloo entre la Bascule et
l’avenue Churchill. L’objectif est
de faciliter le passage des trams
et bus à cet endroit archi-encombré.
Il y aurait en particulier la
création d’un site propre dans le
sens « sortie de ville » entre l’avenue
Legrand et l’avenue Churchill
en supprimant 31 places de stationnement.
C’est une bonne
nouvelle mais le projet aboutira-t-
il cette fois ? Nos décideurs
auront-il la force de résister à
toutes les pressions négatives ?
On peut toujours discuter des
détails d’un projet, mais à un
moment donné il faut savoir
avancer. Notre association serait
tellement heureuse de voir ce
projet enfin aboutir !