Article paru dans la Lettre aux habitants n° 59, mars 2009.
Cette décision du Gouvernement régional bruxellois est parue dans un article de journal, bien qu’elle n’ait toujours pas été notifiée à l’asbl SOS Kauwberg Uccla Natura, initiatrice de la demande de classement, au moment de la rédaction de ce texte.
En rejetant la demande de classement initiée, en 2005, par l’asbl SOS Kauwberg et les nombreux défenseurs de la nature, le Gouvernement Régional a raté l’occasion de préserver durablement les Zones Spéciales de Conservation Natura 2000 à Uccle. Pourtant, une perche lui était tendue afin de permettre la bonne conservation des sites naturels en leur adjoignant une zone de lisière écologique de 20 mètres et les champs entourés de bocages, propriétés de l’Etat fédéral. |
Le classement et la préservation de ces terrains, aujourd’hui constructibles au PRAS (Plan Régional d’Affectation du Sol), auraient permis de satisfaire à l’article 10 de la Directive « Habitats » 92/43, qui recommande la protection d’éléments du paysage comme les haies, les petits bois, les bocages... jouant le rôle de couloir écologique indispensable à la migration, la distribution géographique et l’échange génétique des espèces sauvages.
Ces espaces semi-naturels du Plateau Engeland ont non seule- ment une qualité paysagère et historique indéniable, mais surtout constituent des écosystèmes extrêmement riches et utiles pour la biodiversité. Les zones de conservation sont d’autant plus fragiles que leur superficie est restreinte, et doivent être renforcées d’autant plus par des espaces “tampon” ou de liaison du maillage écologique.
La fragmentation des espaces semi-naturels est une des principales causes de la perte accélérée de la biodiversité. La disparition des espèces menace la survie des écosys- tèmes dont, faut-il le rappe- ler, les humains font partie et dont ils sont dépendants. |
Rappelons que le PRAS a partagé arbitrairement les espaces verts et boisés du Plateau Engeland, reconnu comme un noyau du maillage vert par l’IBGE dès 1998, en une zone verte de haute valeur biologique (ZVHVB) et en terrains constructibles contigus. Il a ainsi créé un conflit potentiel entre les zones de haute valeur biologique et la future zone urbanisable. Pour le projet de la SA Engeland, ce conflit est dénoncé par la Commission Royale des Monuments et Sites, dans son avis du 25 janvier 2006, sur le projet immobilier de 298 logements. C’est pourquoi la CRMS a recommandé de classer une zone de lisière écologique de 20 m sise dans la zone constructible, ainsi que les zones de bocage derrière l’Institut Pasteur. Hélas, le Gouvernement Régional n’a tenu aucun compte des conseils de ces spécialistes avisés et intègres.
Si le promoteur va céder la partie en zone verte de son terrain à la Région, c’est parce que cette partie ne l’intéresse pas, car il ne peut y construire. Elle représente plutôt une charge pour lui. En effet, la directive européenne “Habitats” impose des mesures de conservation des sites Natura 2000 et, au besoin, une gestion spécifique qui pourrait être onéreuse.
La végétation des zones boisées e t champêtres du plateau Engeland, vestige et témoin du passé rural de Bruxelles, permet de réguler encore aujourd’hui, un micro-climat dans cette partie d’Uccle. Pourtant la suppression de la végétation dans une zone rurale peut modifier et transformer en chaleur jusqu’à 60 % des radiations solaires qui y parviennent, aggravant ainsi le phénomène du réchauffement climatique.
Le projet immobilier Engeland implante la ville au milieu de la campagne, il ne tient compte ni de la bonne conservation des sites naturels, ni de l’accroissement du nombre des voitures, amplifié par l’éloignement du site par rapport aux transports publics et l’absence de concrétisation de la halte RER du Lycée français, ni de l’intégration du projet dans l’ancrage local des habitants.
La protection et la conservation des ZSC Natura 2000 devraient pourtant être une priorité sur le site du Plateau Engeland. La zone verte étroite, inscrite au PRAS, ne pourra assurer la liaison et la conservation des sites protégés à long terme, sans une zone de lisière écologique efficace et une réduction significative du nombre d’habitants. De surcroît, la CRMS avait recommandé d’appliquer le principe de précaution, étant donné que l’urbanisation importante du Plateau Engeland peut avoir des incidences défavorables sur la nappe phréatique qui alimente la réserve humide du Kinsendael. Les mesures de lagunage proposées dans le projet rénové, si elles constituent une amélioration, n’ont cependant pas démontré l’absence des effets négatifs sur cette réserve naturelle prioritaire pour Natura 2000.
L’urbanisation de la ville ne peut pas se contenter du seul outil technique, « planologique » représenté par le PRAS, le maillage vert a une tout autre dimension, précisée d’ailleurs dans le PRD (Plan Régional de Développement) et le PRAS lui-même. Il appartient aux décideurs politiques de faire les bons choix et d’avoir une vision d’avenir à long terme, dans les domaines sociaux, économiques et environnementaux. Trop souvent, la conservation de la nature et, dans ce cas, le défi lancé par l’Union européenne de mettre un terme à la disparition accélérée de la biodiversité d’ici 2010, ont peu de poids sur les décisions gouvernementales. La priorité est souvent accordée au profit économique du secteur privé, plutôt qu’aux bénéfices qu’en retirerait la société en général. La préservation de la biodiversité reste le parent pauvre. Or, fréquemment, les habitats et écosystèmes modifiés et transformés par les projets immobiliers auraient fourni des avantages nettement supérieurs s’ils n’avaient pas été transformés.
Les habitants, par leur de- mande de classement, ont tenté de le faire comprendre aux décideurs politiques, mais sans succès. Les défenseurs de la nature ne baisseront pour- tant pas les bras car ils défen- dent une cause juste et à long terme. |
Thérèse VERTENEUIL
administrateur