Article paru dans la Lettre aux habitants n° 57, septembre 2008.
Dans des villes telles que Bruxelles, la pollution atmosphérique est provoquée par la concentration d’activités émettrices de polluants.
Parmi celles-ci, le trafic automobile est le responsable majeur de la dégradation de la qualité de l’air. Il est, en effet, à l’origine de 91% des émissions de monoxyde de carbone (CO), de 89% des émissions d’hydro-carbures aromatiques polycycliques (HAP), de 57% des émissions de dioxyde d’azote (NO2), de 44% des émissions de composés organiques volatiles (COV) et de 19% de celles de dioxyde de carbone (CO2), le principal gaz à effet de serre.
La pollution entraîne une détérioration de la santé de la population, des effets nocifs sur la faune et la flore, et une dégradation de certains bâtiments.
On distingue deux types d’atteintes de la qualité de l’air : les concentrations de fond, auxquelles la population est exposée quotidiennement et qui exercent des effets à moyen et à long terme sur la santé, et les pics de pollution, qui surviennent lors de conditions météorologiques particulières et qui occasionnent surtout des troubles respiratoires chez les personnes âgées, les malades et les enfants.
Les particules, émises surtout par les moteurs diesel, constituent un problème majeur en Belgique, parce que le parc automobile diesel et le nombre de véhicules neufs équipés d’un moteur diesel y sont très importants, et que les améliorations techniques apportées à ces moteurs (réduction de la consommation et augmentation des performances) ont remplacé les grosses particules par des petites, proches d’un diamètre de 1 micron (= 1 millième de millimètre), parfois même d’un dixième ou d’un centième de micron, qui se
comptent en milliers par cm3 d’air, s’insinuant jusqu’au plus profond de l’arbre respiratoire après s’être chargées en polluants très toxiques (HAP et leurs dérivés nitrés) et peuvent passer dans le sang.
L’ozone (O3) troposphérique (= de la région de l’atmosphère la plus proche du sol, dont l’épaisseur varie de 8 à 17 km et où se produisent la plupart des phénomènes météorologiques) est un polluant secondaire formé au départ de COV et de NO2 lors d’épisodes de temps très chaud et ensoleillé. Depuis le début des années 80, les concentrations d’ozone ne cessent d’augmenter. Elles provoquent une diminution de la capacité pulmonaire, des inflammations et une hypersensibilité des voies respiratoires, ainsi qu’une irritation des yeux, du nez et de la gorge. Elles portent vraisemblablement une responsabilité dans l’augmentation de la fréquence de l’asthme, rare avant le XXème siècle chez l’enfant, alors qu’un sur dix en est atteint actuellement. Depuis 1994, année où l’Institut d’Hygiène et d’Epidémiologie a mis en évidence une surmortalité chez les personnes âgées, on sait qu’elle est liée soit à l’ozone, soit à la chaleur, soit à une combinaison des deux. Les plus hautes concentrations observées en Belgique apparaissent entre 12 et 20 heures. En 2003, on y a noté 22 jours de dépassement du seuil d’information de la population (180 microgrammes par m3 d’air) et 7 jours de dépassement du seuil d’alerte (240 microgrammes par m3 d’air), mais l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) juge que les effets sur la santé peuvent déjà se faire sentir lors de pics prolongés au delà de 12 micro- grammes par m3 d’air, ce qui s’est produit 84 fois pendant cette année.
La concentration de plomb dans l’air a diminué de 70% en moins de dix ans dans les grandes villes, grâce à l’apparition du pot catalytique et à l’utilisation de l’essence sans plomb. Mais les concentrations de benzène restent beaucoup trop élevées dans certaines artères, relativement étroites et bordées de bâtiments élevés, comme dans le quartier Arts-Loi, par exemple.
L’OMS estime que le nombre de décès dus aux maladies respiratoires causées par la pollution atmosphérique a maintenant dépassé celui dû aux accidents de la circulation. Une enquête, qu’elle a réalisée au début des années 2000, révèle que les gaz d’échappement entraînent chaque année 17.600 morts prématurées chez l’adulte en France, 2.400 en Autriche et 1.800 en Suisse, en déclenchant ou en aggravant des affections cardiaques ou respiratoires. Cette enquête leur attribue également, dans les mêmes pays, 300.000 cas de bronchite chez l’enfant, 15.000 hospitalisations pour infarctus, 39.500 urgences pour crise d’asthme chez l’adulte et 162.000 chez l’enfant, une diminution de l’activité quotidienne chez 16 millions de citoyens à la suite de problèmes respiratoires, ainsi que des dépenses annuelles de 27 milliards d’euros en vies, maladies, traitements et heures de travail perdues.
Plusieurs études ont montré que l’exposition à la pollution liée au trafic était défavorable à l’appareil respiratoire et au système cardiovasculaire. Aux Pays-Bas, 4.492 personnes, âgées de 55 à 69 ans et suivies pendant 8 ans, ont présenté un risque accru de mortalité cardiopulmonaire lorsqu’elles habitaient à moins de 100 mètres d’une autoroute ou à moins de 50 mètres d’une route urbaine importante. Aux Pays-Bas encore et dans une série de 3.538 enfants, l’apparition d’asthme, d’allergie et d’infections respiratoires au cours des 4 premières années de la vie a été associée à la pollution liée au trafic. En Californie, 1.445 enfants de 4ème année primaire (âge moyen de 10 ans), suivis pendant 8 ans, ont présenté un déficit important de leur développement pulmonaire lorsqu’ils vivaient à moins de 500 mètres d’une autoroute. Le diagnostic de syndrome respiratoire aigu sévère (SARS) a été posé chez 5.327 Chinois en 2002-2003, et la pollution de l’air (CO, NO2, O3, SO2) a été associée à un risque accru de décès. L’exposition de 20 hommes, ayant déjà eu un infarctus du myocarde, à des gaz d’échappement diesel favorise l’infarctus du myocarde et altère la capacité fibriolytique endogène, conséquences défavorables pour le système cardio-vasculaire. Une étude, réalisée à Paris sur 40 hommes en bonne santé, montre que la pollution atmosphérique est associée à une altération de l’endothélium (= tissu qui recouvre la paroi interne des vaisseaux) des artères, caractéristique de l’artériosclérose et facteur prédisposant aux maladies cardio-vasculaires. Parmi 65.893 femmes âgées de 50 à 79 ans, sans antécédent cardio-vasculaire, vivant dans 36 villes des Etats-Unis et suivies en moyenne pendant 6 ans à partir de 1994 à 1998, 1.816 ont présenté un accident cardio-vasculaire, une élévation de 10 microgrammes par m3 de PM 2,5 (= particules de diamètre inférieur à 2,5 microns) étant associée à une augmentation de 24% du risque de cet accident et de 76% du risque de décès par cet accident.
L’étude d’un groupe de 280 enfants, âgés de 0 à 14 ans, atteints de leucémie aigue et comparés à 285 enfants de même âge et présentant des pathologies osseuses, a montré que les enfants de ce groupe avaient été exposés au benzène du fait de l’implantation de leur habitation près d’ateliers d’entretien et de réparation d’automobiles ou près de stations d’essence, et que le risque de développer une leucémie aigue était chez eux quatre fois plus élevé que pour les autres enfants.
Entre janvier 2000 et janvier 2002, la qualité du sperme a été étudiée chez 85 hommes, d’âge moyen de 39,6 ans et travaillant dans les cabines de péage autoroutier en Italie, où les concentrations de produits toxiques sont significativement plus élevées, et a été comparé à celle de 85 hommes d’âge semblable et habitant dans la même région. Elle a révélé que le nombre de spermatozoïdes restait normal, mais que leur mobilité globale et leur progression vers l’avant diminuaient en même temps que la durée, pendant laquelle les employés du péage avaient eu des rapports sexuels non protégés avant la première grossesse de leur partenaire, était plus longue que dans le groupe contrôle.
La pollution liée au trafic automobile se trouve non seulement au dehors, mais aussi à l’intérieur des véhicules. Pour mesurer cette pollution, une camionnette a roulé à Rouen en 2007, équipée d’appareils de mesure de polluants et d’autres paramètres qui enregistrent des données seconde par seconde. Les premiers résultats montrent que des pics de concentration très élevés ont été enregistrés et que le conducteur dans son véhicule est 3 à 4 fois plus exposé aux polluants qu’un piéton sur le trottoir, surtout lorsqu’il suit un autre véhicule assez près.
La voiture est aussi responsable de nombreux accidents. En 1998, plus de 124.000 décès étaient imputables à des accidents de la route dans les pays de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique). Une enquête, réalisée en Belgique en 2001, révèle que les statistiques d’accidents de la route font état annuellement de 58.000 blessés légers et de 11.000 tués ou grièvement blessés. Parmi les victimes, on trouve 7.500 enfants : 2.500 d’entre eux circulent à pied ou à vélo aux abords des écoles et 1.800 présentent des blessures graves. De plus, 75% des piétons décédés ou grièvement blessés le sont en agglomération.
Dr Pierre DOR