METRO NORD - SUD PROLONGE A UCCLE
Jean Paul Wouters
Ingénieur-directeur honoraire de Bruxelles –Mobilité
Administrateur du Comité de Quartier Fond’Roy
1. Introduction
Quand on aborde l’extension du réseau métro,
les avis sont souvent tranchés entre les ayatollahs
verts qui prônent la ville durable réservée
aux piétons , cyclistes et usagers des transports
publics de surface , et les libéraux décomplexés
qui veulent installer des métros partout pour
des déplacements rapides tout en se réservant
l’avantage de trajets en voiture sur des voiries
désencombrées .
Il existe une voie médiane, préconisée par les
experts qui se penchent sur l’évolution des villes :
un développement socialement équitable, économiquement
efficace et environnementalement
soutenable, appuyé sur les modes de transport
durables. Dans la famille des transports publics
urbains, il faut mettre en adéquation, sans état
d’âme, chaque mode (bus, tram, métro) avec son
potentiel clients.
Sur base de la norme STIB de 4 voyageurs/m2,
la capacité limite des bus est de l’ordre de
2500 voyageurs/heure (un bus articulé de
104 places, toutes les 2,5 minutes) et la capacité
limite des trams T4 de 253 places est de l’ordre
de 6 000 voyageurs /heure. En notant que la longueur
des trams T4 (+- 40m) ne permet pas leur
circulation dans les voiries étroites et sinueuses
des quartiers historiques et que la norme de
4 voyageurs /m2 est très inconfortable : une telle
densité d’occupation génère une promiscuité
désagréable, et des mouvements de voyageurs
désirant entrer et sortir des véhicules beaucoup
trop longs qui pénalisent la vitesse commerciale.
C’est pourquoi dans les calculs de développement
des réseaux, c’est le plus souvent une limite de
3 voyageurs/m2 qui est utilisée, ce qui ramène le
seuil pour quitter le mode Tram et passer au Métro
à de l’ordre de 4 500 voyageurs /heure et par sens.
La capacité limite du mode métro automatique se
situe autour de 28 000 voyageurs/heure (matériel
BOA de 716 places toutes les 1,5 minute).
2. Planification territoriale
Les décisions structurantes et budgétivores de
passer au mode métro, dépassent le cadre restreint
de l’optimisation de la ville dans son fonctionnement
actuel, et nécessitent de se projeter à
un horizon (2025, 2040) compatible avec la durée
de vie de cet investissement.
A ces horizons la ville se densifie (emplois, habitants,
commerces, écoles, loisirs,..), de nouveaux
pôles de développement socio-économiques sont
créés, générateurs de besoins nouveaux de mobilité,
et la demande de mobilité moyenne de chaque
individu augmente en raison de la croissance de la
palette des activités.
Le PRDD prévoit non seulement de densifier les
pôles existants ( Midi , Nord , Pentagone, Schuman,
Delta ,…) mais de développer des nouveaux pôles
(Gare de l’Ouest , Simonis , Bordet , Schaerbeek
Josaphat , Reyers ….). Sur Uccle, ces pôles primaires
et secondaires sont Albert, Bascule,
Calevoet, Moensberg, suivi de Vanderkindere,
Globe, Saint-Job et Vivier d’Oie. Ces pôles sont
des noeuds de croisements de plusieurs lignes de
transport public, autour desquels la densification
des activités est encouragée.
Non seulement le nombre de déplacements STIB
a augmenté de 80% de 2001 à 2011 (source PRDD),
mais les prévisions 2040 prévoient encore son
doublement (620 millions de voyageurs en 2040
pour 329 millions en 2011).
Il est en outre à signaler que le mode métro est
souvent victime de son succès : dans les années 70
quand on a lancé l’embryon de la L1, les prévisions
étaient loin de pronostiquer la saturation actuelle
de la ligne, surchargée entre Montgomery et Arts-
Loi, au point qu’il devient urgent de programmer
l’automatisation de la ligne pour gagner 66% en
capacité (les fréquences sur le tronc commun
L1/L5 pourraient descendre à 1,5 ‘ au lieu de 2,5’
actuellement).
3. Necessite d’une vision strategique
Il est indispensable de développer drastiquement
nos transports publics pour des raisons environnementales
et économiques (ne pas asphyxier la
ville suite à l’usage non rationnel de la voiture).
Pour faire face à la compétition entre les métropoles
de l’Europe de l’Ouest, nos responsables
politiques ne peuvent manquer d’ambition. Mieux
vaut un saut en avant réfléchi et maitrisé que des
réflexes frileux n’apportant que des emplâtres.
Un investissement Metro met plus de 10 ans à
porter ses fruits. Notre statut de capitale nationale,
européenne internationale nous oblige
d’être à la hauteur des enjeux, tout en sollicitant
les autres niveaux de pouvoir pour intervenir financièrement
dans les montages financiers.
L’évolution de notre ville ne nous permet plus
d’espérer relier n’importe quel point A de la
ville à n’importe quel point B avec un bus ou un
tram, sans ruptures de charge : tous les réseaux
modernes se structurent en radiales et rocades,
en conjuguant la capacité de leurs modes (RER,
métro, tram et bus). Il suffit de se pencher sur la
carte des réseaux de Vienne ou de Paris pour s’en
convaincre.
Planification du PRDD
Deux projets Métro sont portés à moyen terme :
– L’extension Nord de la ligne Nord-Sud de la
gare du Nord à Bordet et sa conversion en
métro de Bordet à Albert, après up-grade des
noeuds Constitution et Albert. Le schéma d’exploitation
prévoit un Métro N-S Albert –Bordet
en remplacement du T3, un Tram T4 et un Tram
T51 en terminus souterrain à Albert. Ainsi qu’un
Tram T7 qui traversera Albert et le Parc de Foret
en souterrain pour rallier la gare du Midi dans
un premier temps et se déporter éventuellement
vers une rocade Ouest via le Mettewie dans un
2ème temps.
– L’automatisation des lignes 1 et 5 (projet
Pulsar), mais qui vient d’être reporté pour raisons
budgétaires.
Plusieurs autres projets sont portés à plus long
terme, mais nécessitent des études plus poussées
de faisabilité et d’opportunité dont :
– L’automatisation des lignes 2 et 6 ;
– La transformation de la ligne de Moyenne
Ceinture Est (actuel tram T7) en pré métro ;
– Le prolongement Métro de Beekkant à la gare de
Berchem St Agathe ;
– Le prolongement Sud de la ligne Nord-Sud,
d’Albert à Calevoet ou, Saint Job/Fort Jaco.
Pour ce qui concerne l’extension Sud du Métro à
partir d’Albert les deux branches de l’alternative
sont reprises au plan : un tracé via la chaussée
d’Alsemberg pour rejoindre la gare de Calevoet
(correspondance avec le futur RER L 124) et un
tracé qui emprunte l’avenue Coghen pour rejoindre
le tracé de l’actuel T92 sur l’avenue de Wolvendael
(correspondance avec le futur RER L26).
Bien entendu à ces projets Métro sur les axes les
plus porteurs s’ajoutent des projets tram tels que
T62 (Bordet-OTAN –Eurocontrol), T9 (Simonis-
Haut de Jette), T94 ( Musée du Tram-Roodebeek),
liaison Rogier – Tour et Taxis, tramification des
2 lignes de bus les plus chargées ( T71 et T 95),mais dont le T71 vient d’être postposé pour raisons
budgétaires et politiques ….A noter aussi le
lien tram souterrain à étudier entre Albert et la
Place de Rochefort pour permettre au tram T7 de
passer sous la chaussée d’Alsemberg et rejoindre
les voies de l’avenue Wielemans Ceuppens.
LE METRO BORDET-ALBERT
Ligne 3 Métro Bordet-Albert
Études de l’extension Garebdu Nord-Bordet
septembre 2015
Source : http://www.beliris.be/files/files/
Projets/Metro-Nord/Presentation-riverainsmetro.pdf
Ruptures de charge :
Un mal necessaire ?
Plus un réseau évolue (maillage et densité), plus
les usagers sont inévitablement soumis à des ruptures
de charge lorsqu’ils veulent relier 2 points
aléatoires dans la ville.
A Paris souvent pris en exemple pour la qualité de
son réseau et la dissuasion effective du recours à
la voiture, un trajet moyen est soumis à +- 2,5 montées
dans des véhicules différents (taux moyen de
correspondance triple de celui de Bruxelles). Les
usagers trouvent cela normal, alors que ces correspondances
se font dans de mauvaises conditions
(longs parcours souterrains, dénivelés sans
escalators) ! Dans notre réorganisation du réseau,
certaines correspondances s’avèreront inévitables
: mais il faut s’attacher à les organiser de
manière confortable (à l’abri, avec des fréquences
limitant les temps d’attente, si possible de quai à
quai).
Frequentation atendue sur le
metro nord-sud - budgets
Les premières études réalisées suivant les hypothèses
volontaristes du Plan Iris (tarification
routière et politique de stationnement à destination
dissuasive) donnent l’estimation suivante
pour la fréquentation 2040 (diagramme de charge
7h-9h ) :
Bordet : 2 700 voyageurs
Verboeckhoven : 5 800 voyageurs
Gare du Nord : 8 600 voyageurs
Gare du Midi : 14 300 voyageurs
Albert : 6 100 voyageurs
Altitude 100 : 5 400 voyageurs
Calevoet : 1 800 voyageurs
Nous pouvons en déduire que le seuil tram /
métro est largement dépassé à la gare du Midi
et sensiblement approché à la gare du Nord : sur
la partie centrale de la ligne, il est impossible de
transporter ces voyageurs avec le mode Tram.
Sur la partie Nord (gare du Nord-Bordet) les fréquentations
sont moins élevées qu’au Centre,
tout en étant supérieures à la branche Sud
(Albert- Calevoet) ce qui est normal au regard
de la densité des quartiers traversés. Toutefois
tout dépendra de la manière dont les autorités
urbaines s’attacheront à répondre aux défis du
PRDD en développant des pôles décentrés dans la
ville. Ces valeurs en extrémité de ligne ne sont pas
éloignées de celles qui sont pronostiquées pour la
M 5 existante après automatisation. Ce n’est donc
pas le désert de fréquentation annoncé par les
opposants au Métro !
Quant aux budgets estimés à ce stade selon le
Plan d’Investissement Transports Publics 2016-
2025, approuvé par le Gouvernement en octobre
2015, ils se montent à :
– Extension nord : 1,07 milliard €, dont matériel
roulant et dépôt ;
– Transformation axe nord-sud : 530 millions €.
En retirant les matériels roulant et dépôt, le projet
complet (partie Beliris et Bruxelles-Mobilité) est
de l’ordre du milliard d’euros.
Avis d’un ucclois des confins
Notre quartier (Fond ’Roy- Fort Jaco) est situé en
limite Sud régionale, contre la forêt de Soignes.
Par la route, nos liaisons naturelles vers le Centre
sont la chaussée de Waterloo perpétuellement
engluée et la drève de Lorraine difficilement
accessible : ces 2 voiries sont par ailleurs régulièrement
impactées par les fermetures totale ou
partielle du bois de la Cambre. Heureusement
qu’il y a le (e)-vélo qui fait fi de ces obstacles pour
atteindre les latérales de l’avenue Louise via la
Forêt de Soignes et le Bois.
En transport public, nous disposons de la ligne
tortillarde du T92 vers l’axe Régence-Royale,
le RER (L 26) au Vivier d’Oie vers Delta-Mérode,
qui ne fonctionne pas en soirée et week-end, les
bus 43 de la chaussée de Waterloo qui nous rabattent
vers le Vivier d’Oie, et quelques bus De Lijn/
Tec.
Bref, ce n’est pas la joie. Aussi nous accueillons
favorablement tout projet régional d’envergure qui
faciliterait nos trajets vers le Centre. A cet égard le
projet de prolongement du métro à Uccle pourrait
constituer le début d’un espoir très éloigné… pour
les plus jeunes parmi nous qui, dans l’intervalle,
se tournent de plus en plus souvent vers Waterloo
plus accessible.
Jean Paul Wouters