Le titre de cet article est facile et a déjà été largement utilisé
mais, malheureusement, il se justifie une fois de
plus (de trop).
Nous savons qu’une biodiversité élevée est le
résultat de nombreux facteurs. L’un de ceux-ci
consiste en la possibilité pour les espèces animales
de trouver des lieux où ils peuvent se reproduire
en toute quiétude, à l’abri des prédateurs
et y élever leurs jeunes. Pour les oiseaux, il peut
s’agir de cavités, naturelles ou non (nos nichoirs),
de zones où ne peuvent accéder les chiens et les
chats dans le cas de nidification à même le sol
ou dans les bas fourrés, des haies et fourrés, des
ronciers et bien sûr des arbres…
Jusqu’il y a quelques années les naturalistes
s’arrachaient les cheveux lorsqu’ils voyaient procéder
à des abattages, des élagages ou des tailles
sévères en pleine période de nidification et ils
étaient forcés de rester les bras ballants. Heureusement,
depuis 2012, une Ordonnance régionale
bruxelloise protège les oiseaux en définissant les
périodes où les interventions sont permises sans
porter préjudice à l’avifaune.
L’an dernier, un double cas d’abattage en dehors
de la période légale (autorisation entre le 15 août
et le 1er avril) est survenu dans ma rue : l’un fin
avril, l’autre début mai. Le même bûcheron
était à l’oeuvre dans les deux cas. Les auteurs
de ces abattages se sont autorisés de multiples
infractions aux règlementations ou lois uccloise et
régionale (que nous rappelons dans un encadré).
En tant que naturaliste ma première réaction a
évidemment été non pas de porter plainte, mais
de prendre contact avec le bûcheron dès que j’ai
entendu le bruit des tronçonneuses. Deux tronçonneurs
étaient présents : le père et le fils qui
débutait dans le métier. Ils étaient en train de couper
des branches de saule marsault et d’érables
qui s’étaient développés spontanément dans
un terrain et venaient frapper contre le pignon
mitoyen de la maison voisine. Je me suis adressé
au bûcheron le plus âgé pour lui demander s’il
savait que les abattages étaient interdits à cette
période. Il m’a répondu qu’il connaît l’Ordonnance,
mais a ajouté qu’il ne procédait qu’à l’élagage des
branches qui frottaient sur la façade et occasionnaient
du bruit à l’intérieur de la maison voisine ;
le propriétaire de cette maison s’en était plaint
craignant également des dégâts au pignon de son
bâtiment ; on peut le comprendre. J’ai alors été
conciliant en répondant que si le travail se limitait
à un élagage je ne porterais pas plainte et les laissais
terminer ce travail, somme tout limité.
Mais j’ai été trop conciliant car quelques jours
plus tard je découvrais que l’élagage avait été tellement
bien fait qu’il ne restait plus qu’un chicot
de troncs de deux mètres de hauteur. Quelques
jours plus tard, j’observais que des arbres avaient
été carrément rasés devant les garages.
J’ai alors contacté le Service Vert pour l’en informer,
tout en envoyant par courriel des photos des
arbres abattus. Le responsable a délégué une
personne habilitée et un constat a été dressé.
J’ai ensuite – après les constats – vu le propriétaire
du terrain concerné qui m’a affirmé qu’il ne
savait pas qu’il ne pouvait pas faire couper les
arbres à cette période, qu’il ne connaissait pas
l’Ordonnance ni le Règlement communal et qu’il
avait fait tout cela de bonne foi.
Il semblait sincère et je veux bien lui laisser le
bénéfice du doute et la présomption d’innocence.
Mais je ne peux comprendre et encore moins accepter
qu’un bûcheron puisse procéder à des élagages
et des abattages tout en étant informé de ce
que c’est interdit et en se gardant bien de prévenir
les commanditaires.
Mais quinze jours plus tard la tronçonneuse a de
nouveau retenti dans le jardin voisin du précédent,
un gros cerisier a été abattu, toujours par le
même bûcheron. D’où de nouveau plainte auprès
du Service Vert, et envoi d’un courriel à son responsable
et à son échevin (servicevert@uccle.be ;
fabien.chanteux@uccle.be ; sax@uccle.be) en ajoutant
des photos des faits via leur adresse internet.
Le Service Vert a aussitôt dressé un procès-verbal.
Le problème est que la sanction (quand il y en
a une) touche en pratique celui qui commande
le travail mais pas l’auteur des faits, à savoir le bûcheron ! Ce dernier est en quelque sorte déresponsabilisé
de ses actes et passe pour un vulgaire
exécutant. Or, c’est le professionnel qui est censé
connaître la réglementation qui doit attirer l’attention
du propriétaire sur le fait qu’on ne peut procéder
aux abattages avant la fin de l’été, pendant le
temps de la nidification, sauf dérogation en cas de
force majeure prévue dans l’Arrêté du 2/5/2013 du
gouvernement bruxellois.
Ces événements m’ont amené à réfléchir sur les
limites des règles et de leur efficacité. Si l’Ordonnance
Nature est un texte censé protéger la nature
des exactions humaines, encore faut-il qu’elle soit
respectée par les membres de la profession... Ce
n’est pas le cas actuellement, peut-être est-ce
parce que la sanction éventuelle ne les touche
pas ou ne semble pas suffisamment dissuasive ?
C’est donc l’application concrète de la réglementation
qui pose problème si elle n’atteint pas le
principal responsable, le bûcheron.
Pourtant, le texte légal reproduit dans l’encadré
est clair : « toute personne » vise le bûcheron, et le
cas échéant le propriétaire ou locataire qui commande
le travail. Si le bûcheron n’était pas visé,
le législateur n’aurait pas manqué de l’exempter.
Espérons qu’à l’avenir on soit conscient, aux différents
niveaux de pouvoir, que c’est bien le bûcheron
qu’il faut sanctionner en premier lieu.
Marc De Brouwer
Administrateur de l’ACQU - Secrétaire de l’Entente
Nationale pour la Protection de la Nature - Administrateur
d’autres asbl oeuvrant pour la protection
de la nature.
P.S. Je profite de l’occasion pour attirer l’attention
sur un fait bien connu : les abattages irréguliers ont
généralement lieu tôt le matin et de préférence le
samedi, c’est-à-dire à un moment où les bureaux
du Service Vert sont fermés. Quand on peut alerter
le Service Vert, le mal est fait. Si la Commune ne
peut mettre en oeuvre une permanence, on peut
s’adresser à la police … qui se déclare bien souvent
incompétente de sorte que la plainte risque
de rester sans effet ; au mieux le constat a lieu
trop tard.
Bruxelles Nature a demandé à la Ministre de
l’Environnement de réfléchir à une solution pour
qu’on puisse s’adresser à une personne habilitée
à constater les infractions environnementales en
dehors des heures de bureau. Elle a répondu favorablement
à cette demande. Espérons !
A. Extraits de l’Ordonnance Nature du 1er mars 2012 – Région de Bruxelles-Capitale (Moniteur 16/3/2012) Art. 68. § 1er. – Hors les cas des opérations constitutives d’une importation, d’une exportation ou d’un transit d’espèces non indigènes ou de leurs dépouilles au sens de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, la protection stricte implique l’interdiction : … 7° de procéder à des travaux d’élagage d’arbres avec des outils motorisés et d’abattage d’arbres entre le 1er avril et le 15 août ; TITRE VII. — Dispositions pénales Art. 93. Sera punie d’un emprisonnement de 10 jours à 1 an et d’une amende de 150 EUR à 150.000 EUR ou d’une de ces peines seulement, toute personne qui : … 8° lorsqu’elle ne bénéficie pas d’une dérogation en vertu de l’article 83, transgresse une interdiction visée aux articles 68 et 70 ; B. Réglementation communale à Uccle (Extrait pris sur le site communal) On entend par arbre de haute tige un arbre dont le tronc mesure, à un mètre cinquante du sol, au moins quarante centimètres et qui atteint au minimum quatre mètres de hauteur. Nous rappelons aux habitants que tout abattage d’un arbre de haute tige encore vivant doit faire l’objet d’une demande de permis d’urbanisme auprès du Collège des Bourgmestre et des Echevins. Les formulaires nécessaires pour la confection de votre dossier peuvent vous être envoyés par courrier, par mail ou par fax sur simple demande au service vert au 02/348-65-47 ou au 02/348-65-49. Plus de détails et informations complémentaires sur www.uccle.be/fr/services-communaux/vert/abattage- darbres-a-haute-tige Cette réglementation est aussi régulièrement rappelée dans les pages communales du Wolvendael. |