Le gouvernement de la Région bruxelloise a concocté
un projet d’amélioration de la pratique du cyclisme
sur le territoire d’Uccle. Il s’agit d’Itinéraires Cyclables
Régionaux (I.C.R.), ce qui est défini comme des cheminements
recommandés pour des déplacements à vélo
sur une moyenne ou longue distance.
Disons-le d’emblée : ce n’est pas ce projet qui va faire
réellement progresser le cyclisme.
QUEl EST CE PROJET ?
Pour rencontrer les décisions prises depuis des années
de favoriser une circulation autre qu’automobile, la
Région veut développer les I.C.R. n° 7 – 8 – B et C sur
Uccle (et concomitamment sur St Gilles – le Ville de
Bruxelles – Ixelles – Forest). Elle vient de soumettre
ses projets à l’enquête publique en vue d’obtenir les
permis d’urbanisme.
Les objectifs décrits dans le dossier sont :
–* mettre en place des I.C.R. prévus par le Plan Régional
de Développement (PRD) ;
–* atteindre les objectifs de la Région qui veut :
–* que 100% de la voirie soit cyclable pour 2018 ;
–* que 20% des déplacements se fassent à vélo,
comme l’impose le Plan IRIS II
–* améliorer et sécuriser la circulation des cyclistes et
des piétons le long des itinéraires.
Les moyens à mettre en oeuvre sont décrits essentiellement
comme ceci :
–* des marquages au sol pour guider les cyclistes et
rendre les itinéraires cyclables visibles pour les autres
usagers ;
–* sécuriser les traversées des artères (créer des oreilles
de trottoir, abaisser des bordures de trottoirs, etc…)
Sans entrer dans les détails, quelles sont les voiries
visées ?
I.C.R. n°7 : Marianne – Messidor – Bourgmestre
Hérinckx – Elleboudt – Boetendael – De Fré (le
bas, entre Statuaires et square des Héros) – Rouge – Fauvette – ch. d’Alsemberg (près de la gare de
Calevoet, entre Coq et Wagon).
I.C.R. n°8 : Aulne – Allard (entre Aulne et Merlo) –
Merlo – Van Hamme – Zwartebeek.
I.C.R. n°B : Vanderkindere (entre Marianne et ch. de
Waterloo) – Montjoie.
I.C.R. n° C : Allard (entre la commune de Forest
et Princesse Paola) – Princesse Paola – Rittweger –
Vanderaey – Dieweg (entre Vanderaey et Circulaire) – Circulaire – Mercure – Lancaster – Copernic – Latérale.
QU’EN PENSER ?
L’intention est louable et dans le principe on ne peut
que s’en réjouir. En effet, si on se réfère aux relevés
calculés en 2013, la circulation cycliste ne représente
que 3,5% de l’ensemble des déplacements. C’est nettement
mieux que le maigre 1% qui existait en 1995,
mais ce qui est inquiétant, c’est que depuis 2011 le
pourcentage n’augmente plus. (cf l’excellent article
« La fabrique du cycliste » de Jérôme Matagne dans
le n°272 de septembre – octobre 2014 de « Bruxelles
en Mouvements », édité par I.E.B.)
Alors, atteindre 20% dans 4 ans ? C’est totalement impossible
et chacun le sait bien. Mais on continue à faire
comme si …, tout en se donnant bonne conscience.
Bien sûr, ces I.C.R. complétés vont améliorer la situation,
mais si peu !
Pourquoi ? Parce qu’il s’agit essentiellement de marquages
au sol, ces petits logos qui montrent qu’il
existe des cyclistes ! Or, il suffit de pratiquer le vélo
en ville pour réaliser que seules les vraies pistes
cyclables sont la condition d’un réel développement
du cyclisme ! Tant que les cyclistes sont obligés de se
faufiler entre les voitures, ils n’ont pas le sentiment
d’être en sécurité. Certes, la pluie et le relief accidenté
de certains quartiers dissuadent certains de sortir leur
vélo, mais c’est vraiment bien peu à côté du sentiment
d’insécurité qu’on éprouve quand on doit rouler entre
des voitures en stationnement (et qui n’a jamais été
confronté à une portière qui s’ouvre brusquement ?)
et des voitures qui dépassent en frôlant. A certains
endroits, il vaut mieux rouler (doucement !) sur le
trottoir : la prison vaut mieux que l’hôpital !
Les décideurs sont parfaitement conscients que de
véritables pistes cyclables multiplieraient le nombre de
cyclistes, mais ils n’aiment pas contrarier les automobilistes.
Il suffit de lire le dossier mis à l’enquête publique
pour s’en convaincre : à plusieurs endroits, il est garanti
que les I.C.R. projetés n’empêcheront pas la circulation
automobile. Et de fait, les seuls endroits où les cyclistes
vont se sentir en sécurité sont ceux, assez larges, où on
a pu contenter les uns et les autres. C’est-à-dire pas à
beaucoup d’endroits …
Officiellement, le tout à la voiture n’existe plus, mais
dans les faits on doit bien constater que le vélo est
toléré s’il ne gêne pas trop la voiture.
Le calcul des décideurs est-il cohérent ? N’oublient-ils
pas que développer le cyclisme revient à diminuer le
recours à la voiture ? Sans aller jusqu’à demander aux
automobilistes (que les cyclistes sont parfois, eux aussi)
de remercier les cyclistes, il serait temps de comprendre
que 20% de déplacements à vélo résoudrait probablement
ce problème irritant des bouchons.
Bien sûr, ceci ne pourrait se réaliser qu’en multipliant
le nombre de vraies pistes cyclables, c’est-à-dire de
bandes séparées du trafic automobile, ce qui implique
qu’à de nombreux endroits il y aurait moins de bandes
de circulation pour les voitures.
Toucher à ce privilège serait-il si scandaleux ? Le trafic
automobile serait tellement affecté ?
Les exemples concrets d’artères diminuées d’une bande
au profit des vélos montrent qu’il n’en est rien et
que les préjugés ont la vie dure.
Avenue Albert il y
avait jusqu’il y a peu deux bandes de circulation et les
cyclistes n’avaient vraiment pas intérêt à s’y glisser. Il y
a maintenant une piste cyclable qui, sans être surélevée
et sans même être peinte en rouge vif (ce qui serait
beaucoup mieux), donne un sentiment de sécurité
par le tracé d’une ligne blanche continue (la « ligne
Sauwen ») visible et respectée qui délimite clairement
ce qui est réservé aux uns et aux autres. Or, cette
nouvelle répartition de l’espace public n’a pas rendu
plus difficile la circulation automobile.
Un autre exemple : avenue de la Couronne, une bande
circulation a été retirée aux voitures et, ici encore,
grâce à une ligne blanche continue elle est clairement
réservée aux bus et aux vélos ; c’est un succès total.
Ne pourrait-on s’en inspirer pour l’avenue Churchill,
la chaussée de Waterloo, … ?
Il reste encore un aspect de la problématique qui pourrait
être mentionné : les I.C.R. permettent de joindre
un point à un autre point, mais ils ont été tous deux
déterminés par l’administration. Or, ce qui intéresse
les cyclistes, c’est d’aller de leur point de départ au
lieu où ils veulent se rendre, ce qui ne va qu’exceptionnellement
correspondre à un I.C.R. Autrement dit,
les quelques rares I.C.R. ne vont guère aider. Il ne faut
cependant pas les considérer comme inutiles car ils
permettent à tout le moins à des cyclistes débutants de
se familiariser à la circulation urbaine dans la sécurité,
là où la piste cyclable est séparée du trafic automobile ;
c’est spécialement bienvenu aux abords des écoles. Et
on peut espérer que quand on verra suffisamment de
cyclistes, notamment grâce aux I.C.R., l’administration
en créera d’autres. Car l’objectif final doit être de
multiplier les artères cyclables de sorte que les cyclistes
puissent facilement se déplacer, indépendamment de
l’existence d’I.C.R. Si les pistes cyclables se conçoivent
en priorité sur les axes relativement larges, c’est-à-dire
essentiellement sur la voirie régionale, il est possible
d’en créer sur la voirie communale. Certes, c’est plus
compliqué car il y a chaque fois lieu de réduire la part
dévolue à la voiture, par exemple en enlevant une
bande de stationnement, ou en mettant une artère en
sens unique, ou en créant des boucles de circulation.
Un aménagement de la voirie peut aussi contribuer à
sécuriser les cyclistes : le respect des 30 km./h. max. par
le placement de chicanes, de bacs à fleurs, …faciliterait
les déplacements à vélo. Bref, des moyens d’apaiser la
circulation automobile dans de nombreuses rues et de
les rendre confortables aux cyclistes.
C’est ce que Jérôme Matagne préconise dans la publication
citée ci-dessus.
Denys Ryelandt