Article paru dans la Lettre aux habitants n° 64, juin 2010.
Métrovision ou Cityvision ? A l’heure où la mobilité est devenue un véritable enjeu de société et où plus personne ne conteste que les transports publics doivent y occuper une place de choix, certains au sein du secteur associatif montent au créneau pour opposer aux plans de développement de la STIB un modèle jugé plus efficace, plus performant et moins coûteux. Une vision à laquelle la STIB aurait volontiers adhéré si, à l’analyse, celle-ci ne s’était montrée caricaturale et peu crédible.
En avril 2009, la STIB a placé le métro sous les projecteurs, à l’occasion du bouclage de la Petite Ceinture. Cet événement attendu de longue date a permis de restructurer le réseau souterrain, d’offrir de nouvelles liaisons et surtout d’augmenter la capacité du métro, qui transporte la moitié de la clientèle des transports publics bruxellois. Cela ne signifie pas pour autant que la STIB néglige le tram et le bus, bien au contraire. La vision de la STIB reste avant tout celle d’un réseau intégré de transport public où les modes métro, tram et bus se complètent en vue de desservir au mieux la population et les activités présentes sur le territoire régional, en choisissant le mode le plus approprié pour répondre à la demande.
Imaginer désenclaver la commune d’Uccle grâce au seul développement du réseau RER et à la mise en site propre des lignes de tram est malheureusement illusoire. La ligne de chemin de fer 124 reliant Calevoet et la Gare du Midi est certes une liaison intéressante mais, même si les fréquences sur cette ligne étaient sérieusement améliorées, elle ne remplacera jamais un réseau plus maillé, qui multiplie les points de destination dans la région. Dans une perspective à long terme, le projet de prolongement du métro vers Uccle, entre la place Albert et le square des Héros dans une première phase, aurait, par contre, le mérite de permettre à une grande partie des Ucclois de rejoindre en ligne directe le centre-ville, puis Schaerbeek et d’autres destinations. Et cela plus efficacement que la ligne de tram 4 actuelle, en divisant pratiquement par deux leur temps de parcours.
Métro léger
Les auteurs de la Cityvision insistent sur les excellentes performances qu’atteindraient les lignes de métro léger, de semi-métro et de trams qu’ils proposent de mettre en place, afin d’améliorer l’efficacité du réseau de la STIB. Si, dans des conditions d’exploitation idéales, c’est-à-dire dans une ville débarrassée des embouteillages, un tel réseau aurait peut-être sa raison d’être, il faut rester réaliste. Dans l’environnement actuel difficile, ces véhicules de surface seraient confrontés aux mêmes problèmes de régularité et de ponctualité que les trams et bus de la STIB. Quant à la mise en site propre des lignes de tram existantes, à Uccle, celle-ci entrerait clairement en contradiction avec la thèse des comités de quartier qui plaident pour une hiérarchisation des voiries et la protection des zones 30. La mise en site propre du tram dans les artères où la largeur est insuffisante - comme la ligne 51 dans la chaussée d’Alsemberg, par exemple, ou le 92 avenues Carsoel, de Wolvendael et rue du Ham - nécessiterait la mise en place de sens uniques inversés pour les voitures et comporterait un risque important de renvoi du trafic de transit vers des voiries à vocation résidentielle.
Les auteurs de la Cityvision proposent aussi l’introduction de métros légers dans les deux axes de métro existants (axe Est-Ouest et Petite Ceinture). Ces lignes seraient desservies par des véhicules de 80 ou 90 mètres de long, équipés d’un plancher haut, et seraient prolongées en surface, afin d’offrir de nouvelles liaisons directes avec l’hyper centre. Cette approche poserait d’abord d’importants problèmes d’insertion urbaine (vous imaginez des quais d’1m de haut et 90m de long dans l’avenue Churchill ou l’avenue Brugmann et la rue de Stalle ?) et d’accessibilité pour les moins valides. Mais surtout, le réseau ainsi proposé par la plateforme SMOB (Substainable Mobility in Brussels) induirait d’importants problèmes de capacité, actuels mais surtout futurs. La saturation des axes souterrains, résultant de la multiplication des lignes dans ces ouvrages, rendrait à la fois impossible d’y améliorer les fréquences et aboutirait mathématiquement à une diminution des fréquences sur les parties de ces lignes desservant les première et deuxième couronnes de la ville. Il ne permettrait tout simplement pas d’atteindre les objectifs quantitatifs visés par le Plan Régional des Déplacements Iris 2.
Correspondances
Les études successives du taux de correspondance existant sur le réseau bruxellois ont montré que moins d’un client sur deux doit effectuer une correspondance lors de son déplacement. La STIB s’est d’ailleurs donné pour objectif, dans la mesure du possible, de limiter leur nombre et de les organiser dans de bonnes conditions pour la clientèle. Les Plans Directeurs Tram et Bus et leurs effets induits (notamment les correspondances) ne sont que la solution, certes perfectible, choisie par le Gouvernement de Bruxelles-Capitale, sur proposition de la STIB, pour tenter de garantir les ingrédients essentiels d’un transport public de qualité, à savoir : régularité, fluidité et vitesse de déplacement suffisante des trams et des bus.
Des propositions intéressantes
Le volet financier du projet Cityvision est particulièrement succinct et les quelques éléments donnés sont très insuffisants pour permettre de tirer quelque conclusion que ce soit. Ainsi, l’estimation du coût de construction de nouvelles lignes de tram ne comprend que le prix de la pose des voies en ignorant le coût du réaménagement complet des espaces publics que nécessitent des projets où le tram obtient une priorité intégrale de passage dans l’espace public (environ 20 millions d’euros par km).
Cependant, si la STIB conclut que cette Cityvision n’est pas de nature à rencontrer les objectifs de mobilité poursuivis par le Gouvernement régional, elle estime que certaines propositions avancées par l’ACQU à l’échelon local ucclois ne sont pas complètement dénuées d’intérêt. Ainsi l’idée d’amener le tram de l’avenue Latérale vers la gare du Vivier d’Oie permettrait une liaison intermodale entre la gare et la chaussée de Waterloo.
L’aménagement de la rue du Wagon en artère réservée aux transports publics entre la gare de Calevoet et la rue de Stalle aurait le mérite de dégager le tram de la chaussée d’Alsemberg à l’approche du carrefour du Globe.
La STIB est bien sûr aussi ouverte à toute initiative qui vise à soutenir ses démarches en vue de faire sauter le bouchon de la chaussée de Waterloo à la Bascule, véritable point noir pour ses lignes de trams 23 et 24.
Enfin, le développement des lignes de tram en vue de desservir de façon durable cette partie de la région implique aussi que la STIB puisse disposer d’un nouveau dépôt au sud de Bruxelles. En ce sens, le soutien de l’ACQU au projet de dépôt « Marconi » sera, le cas échéant, un signe de la volonté des comités de quartiers ucclois de soutenir le développement du réseau tram du sud de Bruxelles.
En conclusion, c’est avant tout d’une vision ambitieuse dont le transport public bruxellois a besoin. La démarche de la plateforme SMOB a le mérite de le rappeler, tout comme la nécessité de mesures volontaristes pour améliorer la vitesse commerciale et la régularité des transports publics de surface. Cependant, la STIB estime qu’il n’y a pas lieu d’opposer stérilement les anti- aux soi- disant pro-métro, mais qu’il faut au contraire favoriser la complémentarité entre les modes de transport qui, selon le volume de clientèle et la configuration des artères desservies, ont chacun un rôle spécifique à jouer pour qu’ensemble nous puissions bouger mieux.
Alain FLAUSCH
Administrateur Directeur Général STIB