RESUME DE L’EXPOSE INTRODUCTIF DE VINCENT CARTON

Plusieurs arguments sont avancés pour défendre l’option métro en général et à Uccle en particulier. Passons-les en revue et voyons ce qu’on constate et ce qu’on peut en retenir :


1. On dit que la mise en souterrain du transport public est la solution aux problèmes de mobilité.

Qu’en penser ?

Depuis l’année 2000, la STIB a gagné 230 millions de voyageurs, soit + 135 % [1]. Et cela pendant que le réseau de tram était réduit de 12 % au profit de l’allongement des lignes de métro : +37 % entre 2000 et 2017 (mise en service de la ligne vers Erasme, bouclage de la petite ceinture). On aurait pu s’attendre à ce que le tram perde quelques millions de voyageurs au profit d’un métro renforcé.

En fait, c’est l’inverse qui s’est produit : l’augmentation des voyageurs s’est faite sur le réseau de tram (+217 %), de bus (+127 %) et ensuite seulement de métro (+95 %).

Comment expliquer ce phénomène ? Par la mise en circulation de plus grands véhicules sans doute, mais surtout par un remarquable effort de la STIB en termes de renfort des fréquences de passage des trams et des bus, les fréquences du métro ayant toujours été élevées. La fréquence de passage moyenne des trams a été augmentée depuis 2000 de 33 % et celle des bus de 19 %. Les chiffres parlent d’euxmêmes et reflètent une évidence : les Bruxellois sont intéressés par l’offre de l’ensemble des 670 kilomètres de lignes du réseau de la STIB et un effort sur tout le réseau est directement reconnu. Conclusion : renforcer l’offre de surface est LA solution.

2. On estime que le métro est indispensable pour résoudre un manque de capacité dans l’axe Nord-Midi à l’horizon 2040.

Est-ce vrai ? Les projections du bureau d’étude chargé du métro (BMN) montrent qu’en 2040, à la pointe, dans le sens le plus chargé, on aura une charge maximale de 16.000 voyageurs par sens entre 7 et 9 h, soit 8.000 voyageurs/h/sens (dans l’hypothèse d’un RER, d’un péage urbain...).

Or, l’offre actuelle entre la gare du Midi et Albert est constituée de trois lignes 3, 4 et 51 avec 34 trams/h/sens. En faisant circuler entre Nord et Midi des grands trams T4000 de 258 places, on peut offrir 8.800 places par heure et par sens, ce qui satisfait la demande prévue en 2040. Un métro pourrait offrir entre 14.500 et 29.000 places selon les fréquences retenues ; une offre tout à fait excédentaire, en particulier par rapport aux 1.400 voyageurs maximum attendus sur la partie uccloise en 2040.

Cela s’explique aisément. En effet si la densité à Schaerbeek tourne autour de 250 habitants par hectare, à Uccle elle dépasse rarement les 140 habitants et est inférieure à 50 sur plus de la moitié du territoire. Par ailleurs, tout bon gestionnaire va chercher à écrêter la pointe de demande de différentes manières pour minimiser ses coûts de production. Et enfin, s’il y a cette pointe, c’est partiellement lié au rabattement de nombreuses lignes de tram et de bus vers ce tronc central, lignes raccourcies et remplacées par le métro. Revoir le réseau dans le sens de plus de lignes directes irait dans le bon sens.

3. On fait aussi valoir que le métro permettra de gagner du temps.

Mais qui va gagner du temps ?

Pas les Ucclois ! Au moins 75 % des habitants de cette commune ne seront pas concernés directement par une ligne allant d’Albert à Calevoet, ils habitent trop loin de cet axe. Et pour ceux qui prendront le métro, ils ne gagneront pas de temps par rapport au tram pour des trajets courts étant donné la profondeur de 30 mètres des stations et les 3 minutes nécessaires pour arriver sur le quai dans l’hypothèse où les escalators fonctionnent tous ; 28 mètres équivalent à 9 étages d’un immeuble à appartements. A 23 h, cette descente ne ravira sans doute pas tout le monde... Cette profondeur est la conséquence du choix de la technique du bouclier, technique retenue afin de limiter l’impact des travaux en termes d’expropriations : seuls les chantiers des stations seraient réalisés par tranchée ouverte, technique qui a été retenue dans le passé et qui a provoqué d’énormes perturbations dans les quartiers traversés.

De plus, les stations de métro sont en général deux fois plus espacées que les arrêts de tram. Par contre, la suppression inévitable de lignes de surface qui feront double emploi avec le métro, et donc concurrence à celui-ci, va provoquer des correspondances nouvelles ; elles sont moins pénalisantes du bus ou du tram vers le métro vu les bonnes fréquences de ce dernier, mais dans l’autre sens, la perte de temps peut être importante. C’est clairement le tram 51 ou le 4 et le bus 48 qui seraient limités à leur branche sud pour se rabattre sur le métro.

4. On dit que seul le métro offrira aux Ucclois un transport public de qualité.

N’y a-t-il pas moyen de faire aussi bien et beaucoup plus vite à moindre coût ?

Une offre de transport public de qualité est possible à Uccle sans le métro : il y a déjà 5 lignes de tram, des lignes de bus STIB, TEC et De Lijn, 2 lignes de train desservant 6 gares (en comptant Linkebeek, proche d’Homborch).

Mais surtout beaucoup d’améliorations sont rapidement possibles : un renfort des fréquences des trams et des bus et surtout des trains, une intégration des services des 4 opérateurs, une gare RER au Lycée Français, un RER vélo (pistes réalisées le long des voies de chemin de fer : https:// mobilite-mobiliteit.brussels/fr/se-deplacer/velo/ le-rer-velo), une réorganisation des lignes de tram pour obtenir plus de lignes directes comme l’a démontré Kevin LEBRUN dans le cadre de son doctorat présenté à l’ULB en 2018, etc… Le gain de temps perçu grâce à cette réorganisation est très favorable à Uccle. Et pour tout cela, pas besoin d’attendre 2050, horizon envisageable pour un métro à Uccle.

5. On prétend enfin que le métro dégagera les rues d’Uccle d’un intense trafic automobile.

Qui va le croire ?

Hélas, même cet argument n’est pas bon : d’après l’étude de BMN, le métro Sud ne permettrait que 0,55 % de réduction des km parcourus en voiture par an à Bruxelles à l’horizon 2040. Ce résultat n’est pas trop étonnant dans la mesure où au maximum 25 % du territoire communal serait desservi par le métro, et où par ailleurs la pression du trafic provenant des habitants du Sud (Rhode, Waterloo, etc..) serait toujours présente.

* * * * *

Alors, que faire plus rapidement et sans grands frais ?

1. D’abord, aborder la mobilité autrement  : tenir compte des changements en termes de modalités de travail, de demande de mobilité et d’offre dans une vision prospective.

2. Donner une réelle priorité aux trams et bus en surface (pour le 51 chaussée d’Alsenberg par exemple) en réduisant au besoin la place dévolue à l’automobile et donc arbitrer le partage de l’espace public en faveur des modes actifs et collectifs. A moins que l’on considère encore que la voiture est sacrée et que la ville doit s’y soumettre quel qu’en soit le prix : ça va demander du courage !

3. Imposer aux 4 opérateurs de transport public d’intégrer leurs services : tarifs, information, horaires... Le Sud de la Commune a beaucoup à y gagner.

4. Optimiser et étendre les réseaux de transport de surface, réduire les correspondances et, par exemple, prolonger le tram 7 au-delà de la place Vanderkindere jusqu’à la place Albert et continuer jusqu’à la place de Rochefort ou même jusqu’à la gare du Midi, et prolonger le 3 vers l’Est.

5. Renforcer les fréquences en particulier aux heures creuses, le soir, le samedi et le dimanche : c’est à ces moments que les temps d’attente et la pénibilité des correspondances sont les plus grands.

6. A moins court terme, l’offre peut encore être renforcée en chargeant la STIB d’exploiter des lignes ferroviaires bruxelloises dans le cadre de la libéralisation du transport ferré de voyageurs prévu pour 2023 : 46 gares à Bruxelles et des fréquences de passage de 15 ou 20 minutes permettraient de créer un 2ème réseau de métro sans grand investissement !

(Note de Vincent Carton postérieure au débat)

Que coûte un métro ?

Pour estimer très approximativement le coût du métro à Uccle, il n’y a actuellement que les données relatives au métro Nord. Comme la longueur de l’extension Sud serait approximativement la même que l’extension Nord et que vraisemblablement on opterait pour la même méthode du bouclier, on peut se faire une idée.

Pour le métro gare du Nord - Bordet, les estimations du coût ont déjà doublé en 7 ans.

En 2010 on parlait de 480 à 580 millions €. En février 2013, la décision a été prise sur base d’une estimation d’un coût d’infrastructure de 570 millions € et de 100 millions € pour l’achat plus la maintenance de matériel roulant. Cela paraissait gérable d’autant plus que Beliris (l’organisme de financement fédéral de la Région) y mettait 50 millions par an. Aujourd’hui, on en est à 858 millions (HTVA ?) pour les travaux, soit des augmentations de 50 % avant travaux et même avant dépôt du permis d’urbanisme !

Mais le métro Nord implique d’autres investissements : l’adaptation au métro lourd du prémétro Nord-Albert, la construction de la station « Constitution », la transformation de la station Albert et enfin l’acquisition de rames de métro. Les annonces officielles évoquent à ce jour un total de 1,8 milliard € et on n’en est ni à l’estimation définitive ni au décompte final. A cela il faudra ajouter les inévitables « frais annexes » : parkings, aménagements des voiries, indemnisation des commerces, indexation, suppléments.....


Conclusion : au-delà de l’intervention de 450 millions de Beliris, la Région doit trouver dans son budget la différence : 1,35 milliard €, en attendant le décompte final, toujours supérieur aux estimations.

A titre de comparaison, la ligne de tram 9 en construction au nord-ouest a coûté autour de 70 millions € pour une même longueur de 5,5 Km, soit 12,3 fois moins en comparaison avec les 858 millions de la branche Nord du métro.

Pour réunir ces montants, le budget d’investissement de la STIB est totalement insuffisant (300 millions €/an dont une grande partie est indispensable au maintien du réseau et de ses équipements). Le refinancement de Bruxelles pourrait attribuer 50 millions par an au métro en plus de l’apport de Beliris. On n’y est pas encore !

Consacrer près de 2 milliards à ce projet est d’une part très lourd en termes de budget régional, mais d’autre part cela empêche évidemment la réalisation de nombreux autres projets : avec ce montant on pourrait doubler le réseau de tram de la STIB !

20 janvier 2021