Quelle ne fut pas la colère des riverains du quartier Calevoet lorsqu’ils ont découvert dans le Wolvendael Magazine de janvier un article sur « les futurs contours de Calevoet ». Un texte aussi confus qu’incomplet, décrivant deux projets immobiliers dans leur voisinage immédiat. Deux projets qui ont fait l’unanimité contre eux lors des enquêtes publiques ! La journaliste dresse un tableau idyllique, évoque un concept de « forêt urbaine », le développement d’infrastructures publiques, une amélioration de la mobilité…
Or, à Calevoet, il n’est guère question de ramener la Nature en ville. Il s’agit plutôt de créer une forêt d’immeubles sur l’ancien site Astra Zeneca (rue Egide Van Ophem), avec 220 logements ! Juste à côté d’une autre forêt de buildings, les Hauts Prés.
Quant au site Bourdon-Illochroma, plus de 400 appartements y seront construits, en deux phases (projet « Les jardins du Kinsendael »). L’article ne le précise pas, occulte cette information pourtant capitale. Les promoteurs immobiliers comptent ainsi « gratifier » cette zone du sud de Bruxelles d’au moins 600 nouveaux logements1 [1], sans évaluation globale des incidences sur le quartier !
Dans ce coin de la Commune jusqu’ici sympathique et à taille humaine, la qualité de vie – pourtant l’une des principales préoccupations de nos édiles politiques… – sera durablement dégradée en raison de cette densité de logements et de l’inévitable augmentation du trafic, déjà saturé à présent. Il ressort aussi de toutes les plaintes déposées par les riverains que ces nouveaux projets comptent de trop nombreux buildings de 4 à 5 étages qui ne s’intègrent nullement au bâti existant.
Malgré quelques touches de greenwashing, l’article du Wolvendael oublie de s’attarder sur ce qui devrait être considéré comme l’un des paramètres essentiels dans toute politique d’aménagement du territoire : le maillage écologique. La biodiversité connaît un déclin catastrophique. Qui peut encore l’ignorer ? Il faut savoir que beaucoup d’espèces ont besoin de bouger pour se nourrir et se reproduire. C’est une condition indispensable de leur survie. Or, ces tours en béton constitueront de nouveaux obstacles, infranchissables, qui vont encore accélérer la fragmentation des habitats, les rétrécir. Même une réserve naturelle comme le Kinsendael n’est pas à l’abri puisqu’elle verrait sa faune et sa flore péricliter, par manque d’espace vital. La connectivité entre les espaces verts est essentielle et soulignée par tous les scientifiques. Ces liaisons et couloirs écologiques sont d’ailleurs exigés par la législation européenne, notamment pour Natura 2000.
Si nos décideurs politiques souhaitent réellement défendre la biodiversité, pas seulement dans les paroles, qu’ils le prouvent : en exigeant des promoteurs de revoir leur copie et de revenir à une architecture moins massive, plus équilibrée. Une architecture qui respecte toutes les espèces vivantes en ville. Les « marchands de rêves » pensent nous embobiner avec leur concept de « forêt urbaine » : des bâtiments entourés d’arbres. Or, coincés entre des constructions de 4 ou 5 étages, sur maximum 1,5 m de terre au-dessus des parkings souterrains, comment ces arbres pourraient-ils s’épanouir ? Méfions-nous du discours des lotisseurs, vantant une « offre à taille humaine et tournée vers la nature ». Entre une plaquette publicitaire sur papier glacé et la réalité de terrain, il y a souvent un gouffre...
Nous avons soulevé l’absence d’une étude d’incidences globale qui, question trafic, s’imposait. Rajouter quelque 1 500 habitants dans ce quartier – qui a déjà vu sortir de terre des villages entiers, avec plus de 1 000 nouveaux logements au cours des dix, douze dernières années – ne fera qu’entraver un peu plus la mobilité. Et la chasse à la place de stationnement va virer au cauchemar. Mais de tout cela, les investisseurs n’en ont cure [2]. Tels des prestidigitateurs, ils vendent du rêve et détournent l’attention de problèmes qui se poseront tôt ou tard. Mais qui ne seront posés que quand il sera trop tard, quand le projet aura été accepté…
Ce texte du Wolvendael est essentiellement fondé sur les explications très optimistes des promoteurs et celles de l’échevin de l’Urbanisme. Deux sons de cloche assez semblables alors que dans le cas d’Astra Zeneca, la Commune a déposé un recours [3] auprès du gouvernement bruxellois contre l’octroi rapide du permis d’urbanisme régional. Aucune des conditions qu’elle a émises lors des Commissions de concertation n’a en effet été respectée. Le projet ne serait donc pas aussi paradisiaque ?
Attardons-nous enfin sur la « main tendue » des promoteurs vers les riverains, comme d’ailleurs relevé par la journaliste. Voilà des initiatives a priori positives sauf qu’elles arrivent chaque fois trop tard. Pour le « Bourdon Illochroma », les habitants des environs ont été conviés à une séance d’information pour s’entendre dire que la deuxième version du projet et la demande de permis d’urbanisme avaient déjà été introduites. Si certains espéraient une once de dialogue, ils en furent pour leurs frais, les dés étaient jetés.
Pour Astra Zeneca, c’est même après l’obtention du permis que les promoteurs ont contacté les riverains pour les « impliquer davantage dans le projet ». Pas n’importe quels citoyens ! Ceux qui étaient intervenus lors des Commissions de concertation, l’ont été, par mail et via un appel téléphonique. Ils étaient invités à faire part de leurs griefs. Étrange alors qu’aucun d’entre eux n’avait donné l’autorisation ni à la Commune ni à la Région de partager ses données personnelles. Puisque le RGPD (Règlement général sur la protection des données) a manifestement été piétiné, voilà une question qui mérite d’être éclaircie.
En guise de conclusion, nous souhaitons rassurer l’auteure de ce qui apparait comme du « publi-reportage » : « ce quartier divisé par les rails » n’a pas besoin d’être réunifié par des marchands de chimères. L’opposition à leurs méga-projets a déjà unifié ses résidents. Ils ont appris à se connaître, à s’apprécier les uns les autres, à découvrir le lieu qu’ils partagent, ainsi que les autres vivants qui l’habitent… Cinq comités de quartier concernés, et indignés, signent dès lors ce « cri de colère ».
Comité de quartier Bourdon Comité de quartier Ophem & Co Comité de quartier Calevoet
Comité de quartier Kinsendael-Kriekenput
SOS Kauwberg Uccla Natura
P.S. : Pour rester dans un passé tout récent, signalons que dans son n° de décembre 2021, le Wolvendael avait donné l’image peu reluisante d’un magazine pratiquant le publi-reportage plutôt que l’information objective, et là aussi en faveur d’un promoteur immobilier. L’article en question, long de plusieurs pages, prétendait donner l’état d’avancement du dossier de l’Hippodrome de Boitsfort. Or cet article passait sous silence un élément capital que l’auteur ne pouvait ignorer après en avoir discuté avec le responsable de Drohme, à savoir que le gouvernement régional était en train de modifier une règle urbanistique pour faire passer le projet Drohme ! L’ACQU a demandé à l’auteur de présenter honnêtement les faits et ce dernier a promis de rectifier dans le prochain Wolvendael. Ce qui a été fait dans l’un des numéros suivants, très partiellement et de manière si discrète que bien peu de lecteurs l’auront vu !