MÉTRO NORD : HABITANTS ET COMMERÇANTS SYSTÉMATIQUEMENT TENUS À L’ÉCART.
Les 18 et 19 juin prochain se tiendront deux réunions d’information à destination des habitants et commerçants du quartier Stalingrad-Lemonnier au sujet de la future station de métro « Toots Thielemans » (anciennement « Constitution »). A 6 jours de ces réunions, ni affiches, ni toutesboîtes n’ont été distribués dans le quartier pour les annoncer. Si le site internet officiel du projet de métro 3 y fait bien référence, il faut bien chercher pour trouver que celles-ci auront lieu au Palais du Midi…
(Note ACQU : Ce CP a été publié le 13 juin)
Cette discrétion, pour ne pas dire cette opacité, est une constante dans ce projet depuis le début du projet. IEB, l’ARAU, le BRAL et plusieurs comités d’habitants dénoncent une politique du fait accompli.
En 2009, le gouvernement régional adopte le principe de la création d’une nouvelle ligne de métro. Elle remplacera la section de pré-métro Albert-Gare du Nord et percera un nouveau tunnel de 5 km sous les communes de Schaerbeek et d’Evere. Le gouvernement actuel présente ce projet comme le phare de sa politique de transport public. Les montants à engager sont colossaux : ils constitueraient le plus lourd investissement opéré pour la STIB depuis la construction des premières lignes de métro.
Du côté nord de la ligne, ce n’est pourtant qu’à partir de 2015 qu’ont lieu les premières réunions publiques d’information à Schaerbeek et Evere. Habitants, comités et associations sont mis devant le fait accompli : le projet est déjà ficelé, tant sur le principe même de la création d’une nouvelle ligne que sur son tracé, le lieu et la conception des nouvelles stations.
En juin 2016, les riverains de l’avenue de Stalingrad et concernés par une future station désormais appelée « Toots Thielemans » ont vu la réunion d’information relative au projet être annulée le jour même de sa tenue, sans qu’aucune autre réunion ne soit programmée jusqu’à aujourd’hui. A l’autre bout de la ligne, du côté de la Place Albert, un modeste flyer d’information sur la transformation de la station en terminus, imprimé par la STIB, reste dans les cartons alors que l’enquête publique se clôture…
La participation des citoyens inexistante !
Dans les rares espaces ouverts à la parole et à l’avis des habitants et usagers des transports publics, seule une vision rigide “d’ingénieur de la mobilité” leur est proposée. Elle réduit les échanges à des aspects techniques, excluant les considérations sociales, environnementales et urbanistiques qui devraient pourtant prévaloir. Certes une « étude d’opportunité » a été réalisée en 2011, mais elle n’a jamais été rendue publique. Son indépendance est douteuse, vu le statut de ses auteurs : un consortium d’entreprises spécialisées dans le forage de tunnels et la construction de stations. [1]
La Région se targue de mettre la participation au cœur de ses projets de mobilité. Le prochain plan régional « Good Move » affiche ainsi la volonté de mettre les usagers au cœur du débat sur la mobilité de demain au travers d’une « construction participative ».
La Commission Régionale de Développement a pourtant récemment constaté que le projet de métro présente de graves lacunes en matière d’information et de concertation [2]. Ces lacunes se doublent d’une opacité de la part de Beliris et de la STIB, maîtres d’ouvrage du projet.
En outre, l’« hypersaucissonnage » des demandes de permis est interpellant : pas moins de 6 demandes distinctes. Face à un tel découpage, impossible de développer une vue d’ensemble sur les incidences cumulées du métro. Les porteurs du projet ont beau jeu de rétorquer, lors de chaque enquête publique locale, que la discussion ne porte pas sur la ligne 3 dans son ensemble.
La nécessité d’étudier des alternatives
Le projet de la ligne 3 devrait être une opportunité pour ouvrir la parole et penser l’avenir de la mobilité bruxelloise. Un préalable indispensable est la réalisation d’une étude d’incidence portant sur la globalité du tracé qui puisse notamment analyser l’impact budgétaire et socioéconomique du métro, ses « coûts-bénéfices » pour la mobilité régionale, les nombreuses alternatives possibles ainsi que la réorganisation du réseau de surface envisagée.
Une ligne de métro 3 se ferait effectivement au détriment d’une partie du réseau de surface. Tant au nord, avec la suppression de la ligne 55 et celle de la moitié de la ligne 62, qu’au sud, avec les nouvelles correspondances qui seraient imposées à Albert pour les usagers du 4 et du 51. Pourtant, le tram est avantageux. En plus de limiter l’accroissement du trafic routier par la place physique qu’il occupe, le tram remplit un rôle de mode de proximité tout en proposant une desserte fine des quartiers, ce qu’un métro de grande profondeur ne permet pas. Alors que partout en Europe des villes œuvrent en faveur d’un retour du tram, Bruxelles irait en sens inverse ?
L’avis de la CRD, principal organe consultatif en termes de politique urbanistique bruxelloise, est consultable sur son site internet : http://www.crd-goc.be/
Cette étude permettrait d’objectiver une série d’inquiétudes légitimes que suscite ce projet. Le contrôle budgétaire soulève en effet des craintes, entre autres chez les députés régionaux qui ont déjà vu les budgets prévisionnels passer de 750 millions d’euros en 2009 à 1,8 milliard aujourd’hui. Si cet investissement est considérable, quelle place laisser a-t-il au développement d’autres modes de transports ?
Le projet de métro Nord doit être mis en débat et ouvert aux voix et aux expertises des habitants, des commerçants et des utilisateurs des transports publics qui, mieux que quiconque, connaissent leurs besoins, leurs quartiers. Penser l’avenir de la mobilité bruxelloise sans s’appuyer sur ces ressources n’aurait aucun sens.
SIGNATAIRES :
Association des Comités de Quartier Ucclois (ACQU), Association des commerçants de Stalingrad-Lemonnier (stalem asbl), Atelier de Recherche et d’Action Urbaines (ARAU), BRAL, asbl Convivence Samenleven vzw, Forest-InterQuartiers, Inter-Environnement Bruxelles (IEB), Mobilité 55, Sauvez le square Riga.